La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

La Place royale de Corneille, mise en scène Claudia Stavisky

La Place royale de Corneille, mise en scène Claudia Stavisky - Critique sortie Théâtre Lyon Célestins – Théâtre de Lyon
MMihoubi-LXavier. Claudia Stavisky

texte de Corneille / mes Claudia Stavisky

Publié le 22 avril 2019 - N° 276

Pour la première fois, Claudia Stavisky monte une pièce de Corneille : La Place Royale. Dans cette comédie de 1634 qui traite de l’amour et de la liberté, les premiers émois adolescents sont décrits avec autant de complexité que de justesse, de cruauté que de tendresse.

Pourquoi n’aviez-vous encore jamais monté Corneille ?

Claudia Stavisky : Je ne me sentais pas prête. Monter Corneille sans s’intéresser aux alexandrins et à la structure de la langue n’aurait pas eu de sens, or c’est un travail d’une technicité énorme. Je suis arrivée en France à 17 ans et même si je suis maintenant parfaitement bilingue, le français n’est pas ma langue maternelle.

Pourquoi votre choix s’est-il porté sur La Place Royale ?

C.S. : C’est celle que j’aime le plus, celle qui m’est le plus proche. Je la connais depuis le Conservatoire mais je l’ai surtout relue quand j’ai travaillé sur Le Songe d’une nuit d’été, en 2000. Lorsque l’on s’intéresse à la thématique de l’adolescence, très peu de pièces du répertoire classique traitent des premiers émois amoureux et de la façon dont les adolescents vivent l’éveil du désir. Les références sont La Place Royale ou L’Éveil du printemps.

« Ce qui relie les personnages de La Place Royale, c’est la peur panique de l’engagement. »

Comment expliquez-vous le comportement de ces jeunes gens, notamment d’Alidor qui préfère quitter Angélique pour préserver sa liberté ?

C.S. : Les six personnages (j’ai coupé les servants) représentent chacun un archétype des relations à l’amour. Ce qui les relie tous, c’est la peur panique de l’engagement. Dans le cas d’Alidor, c’est sans conteste la peur de l’engagement, la peur de ne plus maîtriser sa vie et ses propres désirs. Cette peur de l’engagement ne touche pas que les garçons – la pièce date de son époque, naturellement, mais elle n’est pas aussi genrée qu’on pourrait le croire. À l’époque, la Place Royale (la Place des Vosges actuelle) vit une révolution sociologique importante : pour la première fois, on autorise les jeunes filles à s’y promener seules ou entre elles, sans adultes pour les accompagner. La Place Royale est donc ce lieu de circulation où les jeunes se rencontrent et vivent leurs premiers émois. Il était important pour moi que les comédiens qui les interprètent soient très jeunes pour qu’on puisse avoir la vision précise de ce que sont des adolescents qui vivent leurs premiers tumultes amoureux sans même trop savoir ce qu’ils vivent, avec cette peur ancestrale qui nous prend quand on commence à avoir des fourmillements dans le ventre et qu’on joue des jeux très dangereux, d’une cruauté monstrueuse.

Cependant, c’est une comédie ?

C.S. : Oui, c’est essentiel. La tendresse et la cruauté sont vues avec beaucoup d’humour, ce qui fait aussi la rareté de cette pièce de Corneille. Nous travaillons beaucoup sur cet aspect.

Avez-vous transposé l’époque dans votre mise en scène ?

C.S. : Ce que je cherche, c’est que ce soit très intemporel. Les costumes sont inspirés des coupes du XVIIe mais sont réalisés dans des tissus fluides qui dévoilent les corps plus qu’ils ne les enserrent dans des carcans. Des éléments d’époque sont présents, y compris dans l’espace, mais tout est centrifugé de façon à ce que le spectateur ait le sentiment qu’il est dans un aujourd’hui éternel. Les questions que traite Corneille sont anthropologiques, universelles, et non le reflet d’une époque ou d’une culture.

Et en définitive, comment avez-vous travaillé l’alexandrin qui vous intimidait tant ?

C.S. : Je me suis adjoint les services d’une excellente technicienne, Valérie Bezançon, qui a étudié l’art de la prosodie auprès de Michel Bernardy, et d’une chorégraphe, Joëlle Bouvier, pour le travail sur le corps. À moi ensuite, sur le plateau, de lier ces deux aspects.

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

La Place royale de Corneille, mise en scène Claudia Stavisky
du jeudi 9 mai 2019 au lundi 20 mai 2019
Célestins – Théâtre de Lyon
4 rue Charles Dullin, 69002 Lyon

Tél. : 04 72 77 40 00. Durée estimée : 1h30.

 

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