Le Marchand de Londres de Francis Beaumont mes Declan Donnellan
Le metteur en scène Declan Donnellan, [...]
Eric Cénat actualise le chef-d’œuvre de Tennessee Williams et réunit des comédiens émouvants et justes autour d’une mère abusive, dont Claire Vidoni interprète avec talent la tranquille abjection.
Exécrable, abusive, perverse, insupportablement bavarde, manipulatrice et castratrice : Amanda Wingfield est sans doute un des personnages les plus odieux de toute l’histoire du théâtre. Son interprétation requiert une énergie considérable et une grande résistance, tant sont palpables le malaise qu’elle fait naître chez les spectateurs et l’envie irrépressible de la gifler au fur et à mesure de ses répliques assassines ! Claire Vidoni assume avec brio le rôle de ce personnage détestable, qu’elle sait aussi rendre émouvant : dans le carcan devenu trop étroit de la robe de bal de sa splendeur fanée, Amanda Wingfield est poignante quand elle se retourne et que l’on découvre qu’elle ne parvient plus à agrafer son corsage, tant ses appâts, jadis appétissants, sont devenus écœurants… Autour d’elle, Laura Segré, Charles Leplomb et Augustin Passard (qui incarne avec talent la veulerie benoîte de Jim O’Connor) sont comme des moucherons face à l’araignée, hypnotisés et pitoyables…
Horreur de la vie et consolation du récit
La scénographie joue sur les effets de transparence, matérialisant l’espace du souvenir et celui du récit à l’aide de voiles, qui sont aussi le moyen de symboliser l’enfermement de Laura, toute entière à sa passion, toute entière à sa folie. Laura Segré réussit à faire évoluer son personnage, l’espoir revenu l’éclairant peu à peu et l’ultime humiliation infligée par Jim semblant la réveiller de sa léthargie dépressive. Le spectacle fait le choix d’un traitement résolument contemporain, dans les costumes, les partis pris scénographiques et l’univers sonore (empruntant à The Cure et à Sonic Youth pour traduire le tumulte intérieur de Laura). Le décor s’insère élégamment dans la petite salle douillette du théâtre de l’Epée de Bois, donnant l’impression d’être au cœur de cette maison désolée où la mère vampire exténue ses enfants à force de vouloir qu’ils réalisent les rêves auxquels elle a depuis longtemps dû renoncer. Enveloppant le tout, la voix off – qui est celle du metteur en scène qui porte ce projet avec une conviction sincère – offre de la profondeur et de la distance à l’interprétation. Posée et sereine, elle semble indiquer que l’on peut se remettre de tout, à condition de pouvoir en faire un jour le récit : même d’une mère abusive, même d’un père absent, même d’une jeunesse gâchée. « Tous les chagrins sont supportables si on en fait une histoire » disait Karen Blixen…
Catherine Robert
Du lundi au vendredi à 20h30 ; samedi à 16h et 20h30. Tél. : 01 48 08 39 74. Tournée jusqu’en novembre 2019. Durée : 1h50.
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