“Poussière” par Sophie Mayeux : le théâtre de matière et de marionnette comme outil pour évoquer la vie après une catastrophe, avec délicatesse et poésie
Avec Poussière, Sophie Mayeux (cie Infra) [...]
Faut-il mettre un enfant au monde quand le monde n’est pas viable ? Christian Roux imagine les effets d’une étonnante apraxie matricielle et interroge l’hypothèse d’une grève de l’accouchement.
À la question de savoir comment se font les enfants, Jean-Jacques Rousseau recommande aux parents de dire la vérité : « les femmes les pissent avec des douleurs qui leur coûtent quelquefois la vie ». L’affaire est entendue : l’expulsion est aussi naturelle que la miction. Une fois qu’Émile est né, il ne reste plus qu’à l’éduquer pour qu’il demeure vertueux dans un monde de brutes et de méchants. Mais que se passerait-il si les femmes refusaient d’accoucher et préféraient retenir en leurs entrailles l’innocent condamné à vivre ? Telle est l’hypothèse que fait Christian Roux en imaginant l’histoire d’Amélie, qui ne désire pas confier son enfant au monde, parce que le monde n’est pas désirable. Amélie loge chez sa mère, Paula, car elle doit constamment être sous surveillance : l’enfant a du retard. Hélène, sa sœur aînée, est stérile ; elle attend le bébé avec une grande impatience, allant jusqu’à le vivre comme étant sien. Jusqu’au jour où Amélie annonce qu’elle ne veut pas laisser tomber son enfant « dans une auge pleine de merde ». Hélène s’insurge contre cette grève des mères et entre en conflit avec la sienne, qui soutient Amélie.
Quels héritiers pour l’avenir ?
« Peut-on vraiment désirer voir naître un enfant dans notre monde ravagé par les guerres, la faim, les catastrophes climatiques et sanitaires ? Ainsi, de par le monde, des centaines de millions de femmes voient leur processus d’expulsion du bébé s’arrêter. Mais le bébé, lui, continue de croître, et l’issue risque de devenir rapidement fatale : les femmes peuvent exploser. D’abord paniquées, elles comprennent vite que c’est le désir qui leur fait défaut. Et le désir, comme chacun sait, ne se commande pas. », dit Christian Roux, qui concentre la mise en scène de son texte sur le jeu des actrices et les émotions qui s’en dégagent. Si la question de la reproduction de l’espèce est posée aux mères, par nécessité biologique, elle s’adresse surtout au monde dont la viabilité n’est pas une question de femmes. « La seule représentation des hommes sera leur absence : absence physique, absence de décision, absence de solidarité… C’est, en creux, le propos le plus radical de la pièce car, de fait, tous les hommes ne sont pas ainsi, mais l’immense majorité, si, et cette majorité est si grande qu’elle ne mérite pas qu’on atténue le propos à son égard en rendant compte de la bonne volonté de quelques-uns… », dit Christian Roux.
Catherine Robert
à 16h35. Relâche le mardi. Tél. : 06 58 64 33 88. Durée : 1h10.
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