La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Fourmilière

La Fourmilière - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Avec ce spectacle, Alain Mollot ouvre ainsi la réflexion sur les raisons contemporaines de la déréliction des prolétaires

Publié le 10 janvier 2008

Mise en texte par Guillaume Hasson, mise en scène par Alain Mollot, la parole du labeur se déploie, entre témoignage et analyse, en un spectacle dont l’élégance soutient la force militante.

Le Théâtre de la Jacquerie a l’habitude de faire son miel des paroles quotidiennes et aborde aujourd’hui l’épopée du travail après avoir exploré le roman familial. Evitant la microsociologie froide comme le sentimentalisme lacrymal, le texte composé par Guillaume Hasson à partir des paroles recueillies par Elsa Quinette trouve le juste équilibre d’une authenticité âpre, drôle et émouvante, tenue dans la pudeur de la forme et portée par un souffle militant qui a l’ampleur des vraies colères. La vie des employés, cadres et chômeurs est retracée depuis les années 50 jusqu’à nos jours. Sont convoqués, en une ethnographie faite chair, l’attachement ouvrier à l’usine, la trahison des industriels, l’ascension sociale des fils d’exploités, les difficultés des femmes à intégrer les codes de la production de soi, la mise au rencard des compétences et l’écrasement de la fierté des savoir-faire, l’humiliation des cols bleus et le stress des cols blancs. Tout est là d’une modernité devenue Moloch brutal et obscène, rendant le travail à sa part maudite essentielle.
 
Revanche scénique des rebuts du progrès

L’espace scénique devient le réceptacle de l’intériorité des êtres et le corps des acteurs s’en fait la trace. La mise en scène, extrêmement fluide, chorégraphie ses effets, permettant ainsi, en une distanciation empêchant tout pathos, une évocation subsumée par le parti pris esthétique. Ce portrait de la société du travail, de l’après-guerre à aujourd’hui, se dessine autour de celui de Daniel, journaliste, qui sert de médiation entre les figures et les époques. Enquêtant sur les rouages mafieux de la finance internationale, ce personnage établit le lien entre les victimes expiatoires de ce système, qui sacrifie l’humain au capital, et ses thuriféraires. Mollot ouvre ainsi la réflexion sur les raisons contemporaines de la déréliction des prolétaires, devenus les jouets de canailles profiteuses et de racailles cyniques. Les sept comédiens multiplient les rôles et incarnent ces éclats d’humanité avec une aisance protéiforme consommée et une très belle maîtrise du jeu. Pariant sur le simple sans sombrer dans les pièges du simplisme, ce spectacle contribue en dignité et en beauté à l’histoire des travailleurs. De la belle ouvrage !
 
Catherine Robert


La Fourmilière, conception et mise en scène d’Alain Mollot ; mise en texte de Guillaume Hasson. Du 10 au 26 janvier 2008 à 20h30 ; dimanche à 15h30 ; relâche lundi et mardi. Théâtre Romain-Rolland, 18, rue Eugène-Varlin, 94800 Villejuif. Réservations au 01 49 58 17 00. www.trr.fr

A propos de l'événement


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