La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Agenda

La Femme qui ne vieillissait pas : un joli spectacle interprété par Françoise Cadol

La Femme qui ne vieillissait pas : un joli spectacle interprété par Françoise Cadol - Critique sortie Théâtre Paris _Le Lucernaire
Françoise Cadol dans La Femme qui ne vieillissait pas. © Fabienne Rappeneau / David Kruger

Le Lucernaire / texte de Grégoire Delacourt / adaptation et jeu de Françoise Cadol / mise en scène de Tristan Petitgirard

Publié le 27 janvier 2023 - N° 307

Françoise Cadol, guidée par Tristan Petitgirard, interprète le texte qu’elle a adapté du roman de Grégoire Delacourt : un joli spectacle, dont la profondeur métaphysique affleure sous l’élégance légère.

Betty a trente ans. Elle est fort jolie. Son visage est parfait. Son histoire, un peu moins… Baptisée Martine, comme un grand nombre de filles des années 50, elle a vu son père revenir de la guerre d’Algérie amputé et alcoolique et sa mère mourir trop tôt, fauchée par un chauffard à la sortie du cinéma. Devenue Betty, elle s’accroche, et vit heureuse avec l’homme qu’elle aime et leur petit garçon. Sa beauté attire Fabrice, photographe dont le projet est de saisir le temps qui passe sur les visages en donnant rendez-vous à ses modèles une fois par an. Mais année après année, Betty ne vieillit pas. Pas une ride, pas une patte d’oie, pas le moindre pli amer sur ses joues toujours lisses. Ce qui amuse d’abord et paraît une chance devient vite une malédiction : on prend Betty pour la fille de son mari ou pour la fiancée de son fils ; tous ses proches l’abandonnent pour n’avoir pas à subir l’opprobre ou l’humiliation du décalage. Le texte de Grégoire Delacourt reprend un thème qui, de Wilde à Beauvoir, a déjà fait les beaux jours de la littérature fantastique. Quand ce que l’être humain craint le plus – la vieillesse et la mort – lui est ôté, il perd le sens de l’existence en en perdant la fin.

L’amour antirides

L’adaptation que signe Françoise Cadol est élégamment troussée. Seule en scène, elle interprète avec émotion et éclat l’inexorable descente aux enfers de Betty, qui aimerait tant faire son âge. Le décor est celui du studio photo où Fabrice retrouve régulièrement la femme qui ne vieillit pas, pour attester que le temps n’a pas de prise sur son visage. Quelques accessoires, une bande-son suggestive (la musique est de Romain Trouillet), les lumières soignées de Denis Schlepp soutiennent le récit. Françoise Cadol, qui joue très adroitement des paradoxes de l’exhibition et de la pudeur, tient le public en haleine avec beaucoup de finesse et d’adresse, jusqu’à révéler la trouvaille qui permet de rendre le temps au temps. À notre époque où filtres et retouches des réseaux sociaux, liftings et prothèses de la vulgarité publicitaire, postiches et toxines de l’illusion narcissique infantilisent la maturité, ce spectacle offre une pétillante réponse à ceux qui confondent jeunesse et bonheur. Cela dit, loin d’être une provocation gérontophile, ce spectacle rappelle surtout que la joie est à chercher en l’autre davantage qu’en soi-même, dans des yeux aimants plutôt que dans le regard aveugle des miroirs et des selfies. Françoise Cadol, aimable, drôle et touchante, prouve par la maturité de son jeu et de sa beauté, que la vie vaut bien davantage que l’éternité.

Catherine Robert

A propos de l'événement

La Femme qui ne vieillissait pas
du mercredi 18 janvier 2023 au dimanche 12 mars 2023
_Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris

Du mardi au samedi à 21h ; dimanche à 17h30. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h10.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre