La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Femme d’avant

La Femme d’avant - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Christian Ganet Légende photo : L’intrusion des vieilles promesses dans une vie trop bien réglée.

Publié le 10 mai 2008

Claudia Stavisky met efficacement en scène le mécanisme sophistiqué du thriller tragique inventé par Roland Schimmelpfennig qui explore les affres de la fidélité à soi et aux autres.

« Il n’y avait rien, aucune liberté, rien, durant toutes ces années rien que planification. Programme. Projets. Maintenant ne me dis pas… que tu es comme ça toi aussi. » Telles sont les paroles aux larmes amères de La Femme d’avant, revenue aux sources de sa vie amoureuse pour mieux en faire le procès. L’étrange Romy Vogtlände, figure fantasque et dangereuse, qu’incarne la provocante Afra Waldhör, donne ainsi la clé de son comportement apparemment loufoque : c’est au nom de la liberté qu’elle vient rappeler l’engagement, au nom du risque qu’elle vient rappeler la promesse, gardienne démente de souvenirs effacés dans l’esprit de celui qui a depuis longtemps oublié ses charmes. Persuadés que ceux-ci peuvent encore agir, l’impudente s’immisce dans la vie de l’amnésique et phagocyte son apparent bonheur en venant réclamer à Franck (troublant Didier Sandre) la promesse d’amour éternel faite un été, il y a vingt-huit ans, comme si le temps passé paisiblement depuis en compagnie de la femme actuelle, mère et épouse, comptait pour rien. En magicienne infernale, Romy œuvre à faire disparaître le présent et l’avenir de la vie de l’homme retrouvé, cultivant un souvenir et une vérité qu’elle remâche jusqu’à l’écœurement.
 
Chronologie éclatée et perceptions dispersées par le cyclone de la promesse
 
Romy venant brutalement rompre la linéarité paisible de la vie de ses victimes, son intrusion scandaleuse provoque un chaos qui fait exploser les règles traditionnelles de l’intrigue et les impératifs de la compréhension. L’écriture de Schimmelpfennig invite le spectateur à la réflexion méditative à travers l’éclatement de la temporalité (dix minutes avant ou quelques minutes plus tard) ; la perception aiguë des situations refuse la chronologie immédiate : livrée au miroitement et au chatoiement des points de vue, la réalité s’opacifie à mesure que le désordre s’installe et la diversité des perspectives obère toute transparence. La mise en scène accompagne le délitement du temps d’une mise en question de l’espace : la vision alterne le dedans et le dehors, le décor de Christian Fenouillat fait coulisser les parois immenses de la maison, amenuisant l’espace ou bien l’agrandissant, comme pour mieux établir l’enfermement sans issue auxquels sont condamnés les protagonistes de ce drame, tendu comme un polar et implacable comme une tragédie.
 
Véronique Hotte


La Femme d’avant, de Roland Schimmelpfennig ; traduction de Bernard Chartreux et Eberhard Spreng ; mise en scène de Claudia Stavisky. Du 13 mai au 7 juin 2008. Le mardi à 19h ; du mercredi au samedi à 20h ; exceptionnellement le 25 mai à 16h et le 7 juin à 15h. Athénée Théâtre Louis-Jouvet 7, rue Boudreau, 75009 Paris. Réservations au 01 53 05 19 19. Texte publié à L’Arche Editeur. Spectacle vu au Théâtre des Célestins à Lyon.

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