La Dispute de Mohamed El Khatib

Non seulement les histoires d’amour finissent mal en général, mais, de surcroît, elles rendent malheureux les enfants nés dans l’exaltation de la passion et délaissés quand elle s’est éteinte. Face aux justifications maladroites, aux silences embarrassés ou aux déchirements de mauvaise foi, et malgré les conseils et les analyses des psychologues qui se sont penchés sur la question, force est d’admettre que toute séparation est un échec qui impose aux petits des décisions dont ils subissent les effets. Fidèle à sa méthode et à l’art de la fiction documentaire grâce auxquels il explore la société, Mohamed El Khatib a enquêté auprès de jeunes enfants, a recueilli leurs paroles et les a agencées en un texte qu’il confie à une douzaine de tout jeunes comédiens amateurs, âgés d’environ 8 ans.

Respect et intérêt accordés à la parole des enfants

Aaron, Amélie, Camille, Eloria, Ihsen, Imran, Jeanette, Maëlla, Malick, Ninon, Solal et Swann interprètent en alternance les déboires des enfants de leur âge, confrontés aux conséquences pragmatiques et concrètes du désamour de leurs parents. Des disputes, d’abord (d’où le titre du spectacle), des emplois du temps qui les contraignent à une organisation matérielle souvent compliquée, une inventivité onomastique sophistiquée lorsqu’il s’agit de nommer les pièces rapportées (puisque les parents, comme si la séparation ne les avait pas vaccinés, composent de nouveaux couples avec d’autres individus parfois eux aussi dotés de marmots brinquebalés entre deux maisons, deux lois et parfois deux régimes alimentaires). Les mots sont souvent amusants, les répliques vives et humoristiques et les enfants ne manquent pas d’autodérision quand il s’agit d’expliquer ce que leur perversion naturelle parvient à arracher à leurs géniteurs culpabilisés grâce à un habile chantage… Les bonhommes Playmobil et les éléments encastrables en LEGO offrent un plaisant terrain de jeu aux jeunes comédiens, qui relèvent avec panache le défi de l’interprétation. Ce spectacle a le mérite de l’éclairage documentaire sur les difficultés que rencontrent nombre d’enfants (près de 45% des mariages finissent par un divorce aujourd’hui en France). Reste à rappeler que la possibilité offerte par le droit de quitter celui que l’on n’aime plus constitue un progrès social difficile à remettre en question, même s’il provoque des remous existentiels indéniables.

Catherine Robert