La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La danse de mort

<p>La danse de mort</p> - Critique sortie Théâtre
Légende photo : L’an prochain sortira sur les écrans un long métrage consacré à l’histoire de Staff Benda Bilili, groupe singulier. Crédit : Belle Kinoise

Publié le 10 mars 2007 - N° 146

Charlotte Rampling, Bernard Werley et Didier Sandre, acteurs d’un trio
infernal.

« Aimer? Haïr? L’amour, fièvre intermittente entrecoupée par des syncopes de
haine. L’indifférence seule constitue l’impuissance.
» confiait August
Strindberg dans la revue Gil Blas en 1895. Celui qui avouait son adoration des
femmes, « ennemies délicieuses », « charmantes folles criminelles
», ce misogyne existentiel crucifié par le tourment de la vie et trois divorces
n?eut de cesse de mettre en scène la guerre des sexes, violente, sans remède ni
pardon. Avec La Danse de mort, pièce achevée en 1900, juste après la
crise mystique d’Inferno, il pousse à l’extrême le « duel des cerveaux
», ce choc des forces, masculin contre féminin. Perdus sur une île glacée de la
mer Baltique, enfermés dans la forteresse de leur solitude, Alice et Edgar se
livrent bataille depuis 25 ans, fourbissant leurs armes dans le poison des
ranc’urs et des humiliations. Elle, actrice que le mariage a ravie à la promesse
d’une brillante carrière, lui, arrogant capitaine, relégué dans une voie sans
issue? Enchaîné dans l’enfer de cet amour haineux, le couple ranci par les
années avait trouvé un équilibre, adossé à leur détestation mutuelle.
D’ailleurs, ce soir, pour fêter les noces d’argent, chacun lance à son tour sa
petite salve de traits perfides. L’habitude? Mais l’irruption de Kurt, cousin
d’Alice et vieil ami d’Edgar, va perturber ce jeu destructeur en perçant soudain
une brèche dans le huis clos.
 

Seule la mort pourra dénouer la crise conjugale

La danse de mort est une ?uvre bien périlleuse. Car autant que
l’impossibilité radicale du couple, cette joute enragée révèle une lutte
désespérée contre l’ennui, contre le néant de la mort. « Il n?y a rien de
plus blessant que de voir quelqu’un lire au fond de vous, et seuls deux époux en
sont capables. (?) Ils ont un juge à leurs côtés, qui condamne dans l’?uf même
toute mauvaise envie qui germe, alors que selon la loi de la société, on ne peut
être tenu pour responsable de ses pensées
», observait Strindberg, qui avait
lu Ribot, Bernheim et Charcot. L’irascible capitaine (Bernard Werley),
diabolique vampire, et l’effrayante garce (Charlotte Rampling), serpentine
séductrice, sont comme deux fauves dans l’arène : ils se mordent au sang pour
essayer de rompre leurs chaînes, sous le regard de Kurt (Didier Sandre), témoin
horrifié. Hans Peter Cloos a choisi de monter l’intégrale de la pièce, y compris
donc la seconde partie, presque jamais jouée. On peine cependant à discerner la
ligne d’une quelconque idée dramaturgique ou esthétique. Quant aux comédiens,
ils s’exécutent, gesticulent plus qu’ils ne griffent. Sans se mettre en danger.
Et restent au bord du gouffre.

Gwénola David
 
La Danse de mort, d’August Strindberg, traduction de Terje Sinding,
mise en scène de Hans-Peter Cloos, à 21h, le samedi à 18h et 21h, dimanche 15h,
relâche lundi, au Théâtre de la Madeleine, 19 rue de Surène, 75008 Paris. Rens.
01 42 65 07 09 et www.theatremadeleine.com. Durée : 2h.

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