La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Entretien / Maëlle Poésy

La comédie noire du pouvoir

La comédie noire du pouvoir - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Festival d’Avignon. Théâtre Benoît XII
Crédit photo : Audouin Desforges Légende photo : Maëlle Poésy.

Théâtre Benoît XII / Texte Kevin Keiss / Mise en scène Maëlle Poésy

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

Le jour des élections nationales, la stupeur s’abat sur le pays : les votes blancs l’emportent à une écrasante majorité… S’inspirant de La Lucidité de José Saramago, Maëlle Poésy, artiste associée à l’Espace des arts de Chalon-sur-Saône, met en scène Ceux qui errent ne se trompent pas, pièce d’anticipation surréaliste qui démonte les mécanismes pervers menaçant les démocraties occidentales.

« Nous vivons à une époque où l’on peut tout discuter mais, étrangement, il y a un sujet qui ne se discute pas, c’est la démocratie. » (1) déclarait en 2010 José Saramago, sacré Prix Nobel en 2008. Le théâtre peut-il être le lieu de ce débat ?

Maëlle Poésy : Le théâtre permet en effet de mettre en débat et de partager les questions de société en les décalant par la satire et la fiction, en croisant réflexion intellectuelle et approche sensible. La pièce pousse ici une crise politique à son paroxysme et en observe les conséquences, tant du côté de la population que du gouvernement. Elle dévoile la face cachée des moments de prise de décision. Cette révolution par les urnes à travers les votes « blancs » va obliger les personnages à se positionner et finalement à se révéler tels qu’ils sont malgré leur aveuglement premier. A travers le parcours qui les mène à la prise de conscience, le spectateur est amené à faire l’expérience de l’évolution de cette société, jusqu’à sa remise en question, et à s’interroger sur son rapport au pouvoir. Ceux qui errent ne se trompent pas pointe la fragilité du système démocratique, qui peut glisser dans le totalitarisme si ses fondements ne sont pas régulièrement questionnés et consolidés.

Vous collaborez depuis plusieurs années avec le dramaturge Kevin Keiss, qui signe le texte. Comment se déroule le processus de création ?

M. P. : Nous avons élaboré le synopsis et les personnages ensemble à partir de plusieurs matériaux : la fable du livre La Lucidité de José Saramago a dessiné la trame, et nous avons également puisé dans Oedipe Roi de Sophocle, Survivance des lucioles de Georges Didi-Huberman, L’Ange exterminateur de Luis Buñuel, mais encore dans l’actualité et dans l’Histoire, notamment l’épisode de la Commune en 1871 ou la chute du ministère de Thiers. Puis Kevin écrit le texte, qu’il aménage ensuite au cours des répétitions au gré de ce qui surgit lors des improvisations des acteurs et des propositions de l’ensemble de l’équipe artistique réunie sur le plateau.

Comment les multiples dimensions de l’écriture scénique interagissent-elles avec le texte ?

M. P. : La scénographie, métamorphosée à vue par les comédiens, le mouvement chorégraphié des corps, la vidéo, le son et la lumière ouvrent une pluralité d’espaces métonymiques qui renforce le pouvoir de suggestion que porte la forme du conte. Cette dramaturgie plurielle utilise ce qui fait la force du théâtre : déplier en grand l’imagination !

 

Entretien réalisé par Gwénola David

 

(1) Le Monde du 18/06/2010

A propos de l'événement

La comédie noire du pouvoir
du mercredi 6 juillet 2016 au dimanche 10 juillet 2016
Festival d’Avignon. Théâtre Benoît XII
12 Rue des Teinturiers, 84000 Avignon, France

à 15h. Tél.: 04 90 14 14 14. Durée : 2h30.

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