La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

King Kong Théorie

King Kong Théorie - Critique sortie Théâtre Paris Maison des Métallos
King Kong Théorie CR : Philippe Weissbrodt

Maison des Métallos / de Virginie Despentes / adaptation et mes Emilie Charriot

Publié le 24 août 2017 - N° 257

Dans une mise en scène simple et limpide, Emilie Charriot fait vibrer le texte coup de poing de Virginie Despentes autour de la condition féminine.

« J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf ». Rien de mieux pour donner le ton général de cet “essai“ sur la condition féminine que de faire entendre directement cette langue punk et provoc de Virginie Despentes, qui développe néanmoins une réflexion parfaitement construite autour de la condition des femmes dans notre société. Emilie Charriot, jeune metteure en scène suisse, a eu la bonne idée de s’emparer de ce texte brûlant paru en 2006, dont elle a attrapé la vigoureuse oralité qu’elle a confiée à Julia Perazzini et Géraldine Chollet, comédienne et danseuse. Résultat, un spectacle à la mise en scène dépouillée – plateau nu, déplacements simples, adresses directes – qui tout en douceur délivre intacte et peut-être même décuplée la force de ce coup de poing porté par Despentes à quelques-unes de nos structures et de nos schémas phallocrates.

L’écriture et la prostitution

En cause notamment dans ce texte à forte teneur autobiographique, l’« entreprise ancestrale, implacable (qui) apprend aux filles à ne pas se défendre ». Virginie Despentes a été victime d’un viol, « ce qui me défigure et me constitue », et, pour se reconstruire, s’affranchir de sa condition féminine, a choisi de transgresser l’interdit de la prostitution, premier pas pour elle vers la littérature – elle tisse entre l’écriture et la prostitution des liens passionnants – et la constitution d’une force suffisante pour s’exclure du groupe. Mais de son exemple elle ne fait pas loi et la réflexion sur sa vie s’augmente d’une pensée sur ce qu’est être une femme dans une société où par exemple le viol est central dans l’imaginaire collectif – jusqu’à la constitution d’un fantasme du viol – et dans un espace public où l’autrice raconte avoir appris à se mettre en danger simplement à faire de l’auto-stop, s’habiller court et dormir dehors, en fait « à vivre comme si elle n’était pas une fille ». Une analyse théorique et culturelle de l’apprentissage de la soumission, une réflexion au langage vert portée par une danseuse  qui commence en cherchant ses mots et sa place, relayée par une comédienne ferme et posée, sans jamais être virulente. Un pas de trois entre le texte et ces deux artistes autour de l’affirmation de soi, de l’échec, et peut-être plus encore que la question des femmes, autour de cette intransgressible loi naturelle qui fait qu’encore et toujours, partout, ce sont les plus forts qui gagnent.

Eric Demey

A propos de l'événement

King Kong Théorie
du lundi 19 septembre 2107 au dimanche 24 septembre 2017
Maison des Métallos
94 Rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris, France

à 20h, jeudi et samedi à 19h, dimanche à 16h. Tel : 01 47 00 25 20. Durée : 1h35.

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