La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Kheireddine Lardjam présente deux spectacles, « Désintégration » et « Nulle autre voix », un voyage entre les imaginaires algériens et français

Kheireddine Lardjam présente deux spectacles, « Désintégration » et « Nulle autre voix », un voyage entre les imaginaires algériens et français - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l'Epée de bois
© DR Kheireddine Lardjam

Théâtre de l’Épée de Bois / Textes d’après Ahmed Djouder et de Maïssa Bey

Publié le 24 novembre 2023 - N° 316

Au Théâtre de l’Épée de Bois à Paris, le metteur en scène Kheireddine Lardjam présente deux spectacles, Désintégration et Nulle autre voix, d’après des textes d’Ahmed Djouder et Maïssa Bey. Il poursuit ainsi son voyage entre les imaginaires algériens et français qui le constituent.

Vous avez créé Désintégration en France en 2019, et Nulle autre voix à Tlemcen en Algérie en novembre 2023. Pourquoi avoir décidé de les jouer ensemble au Théâtre de l’Épée de Bois ?

Kheireddine Lardjam : Ces deux spectacles posent la question des imaginaires. Chacun à sa façon interroge sur la manière dont on peut aborder nos échecs lorsqu’on est de deux rives, en l’occurrence d’Algérie et de France. Lorsqu’il est question d’immigration au théâtre, il est presque toujours question de la minorité qui réussit. Il me semble important de montrer aussi nos échecs au théâtre, pour mieux les comprendre. C’est ce que fait Ahmed Djouder dans son premier texte, Désintégration, qu’il écrit en réaction aux révoltes de 2005 dans les banlieues françaises. Quant à Nulle autre voix de Maïssa Bey, il aborde la question de la femme battue en Algérie.

Avec votre compagnie El Ajouad que vous avez créée il y a plus de 15 ans, vous avez plutôt monté jusque-là des textes que vous avez commandés à différents auteurs. Pourquoi avoir opté ici pour deux adaptations ?

K.L. : Le récit de Ahmed Djouder et le roman de Maïssa Bey ont été pour moi des textes coups de poing. De plus, on a trop souvent tendance à parler de récits « manquants » au théâtre. On emploie par exemple ce terme au sujet de la guerre d’Algérie, alors que de nombreux travaux d’historiens y sont consacrés. On peut parler de récits « absents », dans le sens où ils n’arrivent pas jusqu’à la scène théâtrale. Il faut s’intéresser aux écrits existants sur les rapports entre France et Algérie autant que chercher à en créer de nouveaux.

« Il faut s’intéresser aux écrits existants sur les rapports entre France et Algérie autant que chercher à en créer de nouveaux. »

Dans vos deux spectacles, la comédienne Linda Chaïb est à l’affiche. Faut-il y voir le signe d’une parenté esthétique ?

K.L. : Absolument pas. Je sais que cela peut jouer contre moi, mais je le revendique : aucun de mes spectacles ne ressemble à un autre. Chacune de mes créations part d’un travail avec un auteur et un univers, ce qui m’amène à des choix esthétiques très différents. Désintégration et Nulle autre voix sont presque à l’opposé l’un de l’autre. Le premier, qui exprime une colère – celle de la génération dite « issue de l’immigration », tiraillée entre deux cultures –, est très frontal. J’y pousse le curseur du cliché, jusqu’à l’exagération. Au contraire, la colère de la narratrice du texte de Maïssa Bey passe beaucoup par le silence. Tout s’y exprime par la parole et par le chant en arabe, en tamazigh et en français, interprété par Salah Gaoua.

Cette diversité des langues est l’une des constantes de votre travail.

K.L. : C’est en effet une de mes manières d’exprimer mon voyage permanent entre imaginaires algérien et français. C’est aussi une façon de lutter contre une forme de pensée mondialisée qui tend à mettre sur le même plan toutes les réalités. Mais celle d’une femme victime de violences en Algérie n’est pas la même qu’en France. Et la jeunesse « issue de l’immigration » n’est pas la même que la jeunesse algérienne. Il faut laisser aux imaginaires la place de s’exprimer.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

"Désintégration" et "Nulle autre voix"
du jeudi 7 décembre 2023 au samedi 23 décembre 2023
Théâtre de l'Epée de bois
Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

Désintégration, du jeudi au samedi à 19h, samedi et dimanche à 14h30. Nulle autre voix, du jeudi au samedi à 21h, samedi et dimanche à 16h30. Tél : 01 48 08 39 74.

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