La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas - Critique sortie Théâtre Paris théâtre de l'oeuvre
Jean-Quentin Châtelain dans le kaddish d’Imre Kertész. © Dunnara Meas

Reprise / Théâtre de l’œuvre / adaptation et mes Joël Jouanneau

Publié le 13 juin 2014 - N° 221

L’extraordinaire texte du juif hongrois Imre Kertesz, d’une force inouïe, se confronte à son refus de donner la vie après Auschwitz. Avec le très grand acteur Jean-Quentin Châtelain. 

« Ton inexistence considérée comme la liquidation radicale et nécessaire de mon existence ». C’est ainsi qu’Imre Kertesz, absent à lui-même, parle à  l’enfant qui ne naîtra pas, « une petite fille avec des yeux bruns, de pâles taches de rousseur, ou un garçon têtu aux yeux durs comme des cailloux bleu gris ». Cette décision n’en est pas une, elle lui a été imposée par l’horreur des camps d’extermination. L’auteur, prix Nobel de littérature 2002, déporté à Auschwitz et Buchenwald à l’âge de 15 ans, écrit avec une extraordinaire précision et une intelligence inouïe les raisons de ce non existentiel. Le Kaddish, prière  des morts dans le judaïsme, pleure ici la mort et la fin de l’humanité. L’écriture prend un sens métaphysique, elle devient la raison d’être de son auteur qui ne vit que parce qu’il écrit, refusant de faire taire le questionneur et toutes ses questions, témoignant de sa vie en interrogeant au plus profond de son être. Il creuse sa tombe avec son stylo, en compagnie des millions d’hommes, femmes et enfants disparus. Cette écriture-là est faite pour être entendue, pour être partagée par le public.

A écouter d’urgence

Joël Jouanneau adapte et met en scène le texte. Pour le dire, un acteur qu’il connaît bien, Jean-Quentin Châtelain. « Pour aller au bout d’une rencontre avec un acteur, je crois qu’il faut travailler avec lui seul sur le plateau », dit Joël Jouanneau. Une expérience qui implique « une complicité et une confiance absolues ». Comment dire ce texte, ce « théâtre-récit » ? D’abord l’acteur reprend la posture même de l’auteur, désespéré mais avec une forme spécifique de distance. Dans la relation qu’il retrace avec le philosophe de métier Monsieur Oblath, et surtout avec « sa future et ex-femme », cette mise à distance salutaire, ce regard apparemment froid, fait sourire les spectateurs, en même temps qu’elle révèle à quel point l’écrivain s’est détaché de la vie pour se plonger dans l’écriture. Le sentiment d’altérité  est une donnée constante chez lui. Ni leçon de morale, ni lamentation, cette prière est semblable à une route sinueuse et sincère, vers la vérité ou la lucidité de celui qui la rédige. Le narrateur s’interroge sur sa judéité, un état de fait « désagréable »,  « pas très compréhensible », mais « passible de la peine de mort ». L’absurdité de l’antisémitisme, la mécanique totalitaire, autant de thèmes essentiels rarement explorés avec autant de densité et d’acuité. Une œuvre à écouter d’urgence.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas
du mardi 13 mai 2014 au dimanche 22 juin 2014
théâtre de l'oeuvre
55 Rue de Clichy, 75009 Paris, France

A partir du 13 mai du mardi au samedi à 19h, dimanche à 17h.  Tél : 01 44 53 88 88.  

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