La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Julie Bérès

Julie Bérès - Critique sortie Théâtre
Crédit Photo : DR

Publié le 10 novembre 2008

Alice au pays des horreurs

Julie Bérès ne cherche pas à reproduire une forme de réel, mais à inventer un théâtre favorisant les sensations, les glissements, les associations libres… Elle met en scène Sous les visages, un spectacle multidisciplinaire qui pose la question de l’exclusion sociale.

Vos spectacles font intervenir des artistes venus de nombreuses disciplines. D’où vient cette envie de mêler comédiens, vidéastes, plasticiens, circassiens, compositeurs, auteurs… ?
Julie Bérès : En tant que spectatrice, j’ai souvent ressenti des émotions fortes face à des œuvres métaphoriques, des œuvres qui faisaient se rencontrer des champs artistiques différents. C’est naturellement vers cette forme d’expression artistique que j’ai eu envie de me tourner après mes études au Conservatoire. Elaborer des spectacles pluridisciplinaires permet de se mettre au service d’un propos et pas seulement d’un texte, de donner libre cours à un procédé narratif subjectif, déstructuré. Pour moi, tout ce qui prend part sur scène au spectacle doit faire sens, sans aucune hiérarchie : costumes, scénographie, maquillages, mouvements, sons, mots, objets… Tout doit ouvrir des espaces de réflexion et de mémoire, faire voyager, participer à la narration à travers des jeux de résonances, d’entremêlements, d’interdépendances.
 
Peut-on dire que vous travaillez sur l’inconscient ?
J. B. : Oui, sur l’inconscient, sur le rêve, sur les mondes intérieurs, sur les traversées mentales… Je cherche à lier les choses par l’intime, par le subjectif plutôt que par le rationnel. Souvent, le public me dit que ce que je fais est de l’ordre de l’expérience sensorielle. Car mes spectacles ne disent pas tout, ils laissent une grande place aux perceptions personnelles de chacun.
 
« Je cherche à lier les choses par l’intime, par le subjectif plutôt que par le rationnel. »
 
Quel regard Sous les visages porte-t-il sur notre époque ?
J. B. : Sous les visages questionne l’exclusion sociale. C’est l’histoire d’une femme — Clémence — qui, suite à un licenciement, est entraînée dans une spirale d’emplois précaires. Alors que l’on est dans une époque qui se targue de faire baisser le chômage, on ne parle pas des travailleurs pauvres, des employés qui sont soumis à des modes de vie aliénants, sans possibilité d’accomplissement. Sous les visages, c’est un peu Alice au pays des horreurs : Clémence traverse l’écran de sa télévision. Au lieu de remettre en cause le système dans lequel elle vit, elle développe une culpabilité qui l’amène à s’inventer une autre identité. Elle se crée une famille de substitution, à travers un imaginaire factice, formaté, un imaginaire qui valorise les figures du pouvoir célébrées par les médias.
 
L’échappée intérieure de Clémence est-elle une échappée vers l’absurde ?
J. B. : Oui. En suivant Clémence de l’autre côté de l’écran, on bascule dans une esthétique burlesque et outrancière. Le lien qu’elle crée entre le monde de l’ombre, le monde du silence auquel elle appartient, et l’univers clinquant dont elle rêve, est une porte d’entrée vers une forme de surréalisme.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


Sous les visages, de la compagnie Les Cambrioleurs ; mise en scène de Julie Bérès. Du 20 au 30 novembre 2008. Le lundi à 19h30, du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30. Relâche le mardi. Théâtre Romain-Rolland, Scène conventionnée de Villejuif, 18, rue Eugène-Varlin, 94800 Villejuif. Réservations au 01 49 58 17 00. Reprise du 3 au 5 décembre 2008 au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine, le 12 décembre au Théâtre Arc-en-Ciel à Rungis, du 6 au 10 janvier 2009 à La Manufacture – Centre dramatique national de Nancy, les 15 au 16 janvier au Carreau – Scène nationale de Forbach et de l’Est Mosellan, le 23 janvier au Centre culturel Aragon-Triolet d’Orly, le 27 janvier au Grand R – Scène national de La Roche-sur-Yon, le 6 février à L’Onde de Vélizy, les 24 et 25 février à L’Hexagone – Scène nationale de Meylan.

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