La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Je suis une personne

Je suis une personne - Critique sortie Théâtre
CR : ktha compagnie Légende : Le dispositif original de Je suis une personne.

Publié le 10 juin 2012 - N° 199

Intérieur/Extérieur. Je suis une personne de la compagnie ktha joue sur le dedans / dehors, l’enfermement / l’évasion, à partir d’un dispositif original : deux containers superposés. Hélas, le spectateur reste, lui… un peu extérieur.

La faute à un dispositif sous-exploité. Alternativement en haut ou en bas, la comédienne distille son récit en passant avec aisance d’un étage à l’autre des étroits containers, tandis que son image vidéo la remplace devant  ceux pour qui  elle s’efface.  Au début, lorsque se ferment les lourds battants de la boîte, difficile de ne pas penser à ces images archétypales des trains de la mort. Mais s’il se sent bel et bien enfermé, cloîtré, le spectateur du bas entend la salle du haut rire, murmurer, et vice-versa, posant les bases d’une superposition intrigante. Puis la comédienne effectue un premier aller-retour entre les deux compartiments, sort par le haut, puis revient par les portes du bas grandes ouvertes, une image poétique où la rue produit alors un effet paradoxal et cinématographique d’irréel. Puis, la rue couvre la voix de la comédienne au passage d’un bus en pleine accélération. Un klaxon, des bruits de talons l’accompagnent. Le spectacle est vivant. On pense qu’un enfant pourrait faire courir bruyamment  son bâton de bois le long des parois crénelées du container. Mais petit à petit l’attente est déçue. La répétition uniforme des déplacements,  malgré quelques modifications de rythme, le peu d’évolutions et de surprises dans l’exploitation du dispositif trahissent les promesses poétiques initialement soulevées.

« Les yeux dans les yeux »

La faute aussi à un texte qui impose bien trop la séparation dont il fait, il est vrai, son thème structurant. La compagnie ktha pratique depuis toujours un théâtre de proximité privilégiant l’adresse directe au spectateur. Ici, la jauge réduite et l’espace étroit rendent éminemment pertinent ce jeu mené presque “les yeux dans les yeux“. Cependant, la fusion des univers – du réel et de la fiction, du personnage et du spectateur – ne parvient pas à s’opérer. Inamovible sourire à la bouche, Camille Voitellier porte le monologue d’une femme dont on devine de manière excessivement allusive qu’elle est enfermée – en prison imagine-t-on – et qu’elle égrène les plaisirs de la vie du dehors. Certes, le spectateur est au travail, décrypte, et l’intention est lisible, soulignée par le titre, de se maintenir dans le registre de la métaphore, de ne pas individualiser la trajectoire d’un personnage pour explorer de manière universelle ce qui construit chez chacun dans son aspiration à la liberté. Cependant cette littérature du quotidien teintée de poésie reste trop distanciée pour émouvoir. La proposition aurait sans doute gagné à être portée par des parti-pris plus audacieux  et engagés.

Eric Demey


Jusqu’au 16 juin à 21h, vendredi et samedi à 19h et à 21h. Relâche les dimanche et lundi. Théâtre Monfort, 106 rue Brancion, Paris 15ème. Tél : 01 56 08 33 46.

A propos de l'événement

Théâtre Monfort / Conception ktha compagnie

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