Rencontres Internationales des Nouvelles Générations
Le Théâtre de la Manufacture, à Nancy, [...]
Ce qui frappe chez Alexis Armengol, c’est sa capacité à construire des spectacles ambitieux, à développer un univers singulier dans un style nourri du plaisir du faire.
Stirs a neuf ans quand un accident le prive de mémoire, au-delà de trois minutes. Ses parents l’envoient au Japon où une nourrice nommée Asaki s’occupe de lui. Là-bas, même s’il garde la mémoire des événements d’avant son accident, Stirs doit apprendre à vivre sans se rappeler de rien, sans savoir qui est qui, ni où il va. Il doit mener une vie à l’aveugle où aller acheter des fleurs devient en soi une aventure. Enfin, tout serait exagérément simple et linéaire s’il ne s’agissait que de cela. Car Alexis Armengol procède par mises en abyme et chemins de traverse. Il transforme l’histoire de Stirs en un parchemin déroulé sur le plateau, promène son héros dans les carnets souvenirs de son histoire tenus par sa nourrice, mêle théâtre d’ombres, projections vidéos, chansons mises en boucles en direct sur scène, dialogue sur Skype avec la mamie de Stirs dans une esthétique japonisante et manga. Un bric-à-brac cher à la compagnie Théâtre à cru, nourrie du mélange des disciplines et des savoir-faire, qui fait depuis longtemps le charme unique de ses créations.
Brouiller les codes
Le plus frappant, finalement, c’est qu’on a l’impression que le spectacle se saisit des supports d’aujourd’hui, familiers de ce jeune public à qui s’adresse la pièce, tout en les rattachant à la tradition. Exemple parmi d’autres : la vidéo en direct d’un dessin qui s’efface à l’eau comme se dissolvent les souvenirs de Stirs. C’est simple, sensible, actionné à vue, comme le théâtre de cette compagnie qui emploie une variété de supports pour renouveler les chemins de l’émotion théâtrale. Du côté de la narration, qui n’hésite pas à tourner le dos à la linéarité, qui brouille les codes de représentation des personnages, qui saute d’un medium à l’autre, on se demande si le jeune spectateur ne va pas être perdu. Peut-être. Sans doute même. Mais cet égarement s’impose aussi comme la condition du renouvellement des modes de perception. Il va de soi que le spectateur adulte trouvera lui aussi matière à s’émerveiller des trouvailles scéniques et narratives, mais également à réfléchir sur la défaillance de la mémoire, et sur le jeunisme d’une société qui de plus en plus s’interdit de vieillir.
Eric Demey
Le 18 mars 2014 à 20h. Séances scolaires : 19 mars à 10h et 20 mars à 10h et 15h. Tél. : 01 34 58 03 35. La Scène Watteau, place du Théâtre, 94130 Nogent-sur-Marne. Le 1er avril à 20h30, représentation scolaire à 14h30. Tél. : 01 48 72 94 94.
Le Théâtre de la Manufacture, à Nancy, [...]