Ivo Pogorelich

Musicien à éclipses, le grand pianiste croate Ivo Pogorelich, aujourd’hui âgé de 58 ans, reste un personnage et pianiste fascinant donnant l’impression d’avoir vécu mille vies… La gloire d’abord, celle venue très jeune et paradoxalement lors de son élimination du Concours Chopin de Varsovie en 1980, provoquant le scandale de la pianiste Martha Argerich, membre du jury, criant au génie ! Peu après, les premiers enregistrements de « Pogo » chez Deutsche Grammophon, ses Chopin surtout, finirent de donner raison à la grande pianiste argentine… Ce personnage de roman a aussi connu l’amour et le drame : son professeur Aliza Kezeradze, rencontrée à l’âge de 17 ans, de 20 ans son aînée, devient son épouse quelques années plus tard. Il la perdra en 1996, emportée par un cancer. Une longue période de silence du pianiste suivra ce deuil. Pianiste habité, doué d’une sensibilité hors du commun, convaincu de son propre génie, Pogorelich apparaît comme un pianiste éminemment romantique égaré dans le XXIème siècle. Ses interprétations osent souvent des tempi d’une lenteur étonnante, voire déconcertante, dans lesquels il cherche des beautés et profondeurs nouvelles qui semblent alors lui appartenir autant qu’au compositeur… Son prochain récital propose un programme à dominante romantique consacré à Chopin (Ballade n°2, Scherzo n°3), Schumann (Carnaval de Vienne opus 26), Mozart (Fantaisie KV 475) et Rachmaninov (Sonate n°2 opus 36). « Souvent, je sens qu’une œuvre m’appelle. A ce moment-là, j’essaie de l’aborder avec un esprit et un cœur les plus ouverts possible. Cela prend beaucoup de temps de permettre à une pièce de musique d’ouvrir ses portes et ainsi d’accéder aux trésors qu’elle contient » confie-t-il…

J. Lukas