L’homme et la bête
Adepte des titres foutraques et des [...]
Vincent Macaigne reprend le spectacle qu’il a créé il y a six ans, comme une sorte de bilan moral au manifeste d’alors. Fureur, brutalité et vociférations, aux limites de l’assourdissement exténuant.
Impossible de ne pas hurler quand la maison est en feu ; impossible de ne pas réagir avec violence quand le monde impose cette modalité existentielle. Vincent Macaigne affirmait déjà l’essence de sa nécessité créatrice dans un entretien accordé à La Terrasse en juillet 2011 : « travailler à partir de l’endroit où ça me parle et où je suis mis en danger ». En ce sens, son Idiot est un idiotisme, intraduisible autrement que dans la langue dans laquelle il s’exprime. Force est de reconnaître à cet égard qu’il y a désormais un style Macaigne, et qu’il faut compter avec cet artiste, au moins si on considère la scène théâtrale actuelle comme un symptôme de la société contemporaine. Le prince Mychkine, tel que le décrit Dostoïevski, est d’une bonté qui confine à la naïveté. Traumatisé par les intrigues d’un monde trop cynique pour lui, il sombre dans la folie épileptique et subit les avanies de ceux qui le détestent et le méprisent alors que lui-même voudrait les aimer. Ainsi va Vincent Macaigne.
Passage à l’acte plutôt que mise en scène
Ainsi va le monde, selon cet artiste, semblable à Musset en son temps, époque maudite et amère du crépuscule des révolutions et des idoles, quand revient la réaction après le mouvement. La troupe réunie par Vincent Macaigne se démène avec une frénésie peu commune, aux limites du risque de la blessure, caparaçonnée de genouillères pour amortir les chutes imposées par le jeu. Tout est démesuré dans ce spectacle. Le ciel tombe des cintres sur la terre qui recouvre le plateau ; les comédiens sont aspergés de tous les fluides possibles et imaginables et, semblables à des enfants, s’agitent dans la gadoue qui envahit la scène. L’ensemble adopte l’esthétique du dripping et du all-over : les images créées sont indiscutablement remarquables et choquantes. La merde, le sang, la sueur, les cris, une bande-son mugissante, des comédiens beuglant et bramant, un texte qui s’épuise dans le constat de l’anomie souffrante et de la plainte égotiste : on pourrait admettre la gifle, si elle avait du sens. Mais elle demeure, comme un passage à l’acte, hors discours, réelle, peut-être, mais non symbolisable et donc impartageable.
Catherine Robert
Avec le Festival d’Automne à Paris. Tous les jours à 19h30, sauf dimanche à 14h30 ; relâche les 10 et 11 novembre. Tél. : 01 46 14 70 00. Durée : 3h30 avec entracte. Spectacle vu au Théâtre de la Ville.
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