Le Cirque contemporain en France
Salto Mortale
Fondation BNP Paribas : 15 ans d’engagement auprès des Arts du Cirque / Critique Cinéma / Un film de Guillaume Kozakiewiez
Publié le 11 novembre 2014Ce film est le journal d’un corps à la reconquête de sa verticalité. Pas n’importe laquelle : chez Antoine Rigot, elle se mesure à plusieurs mètres au-dessus du sol, dans un combat mano a mano contre la fatalité.
La prise de risque fait partie intégrante du cirque. La peur du danger, le défi à la mort, c’est aussi ce qui fait briller l’œil du spectateur, bien malgré lui. Alors, quand la catastrophe survient, quand l’envol est brisé net, quand le rêve devient cauchemar, on change brutalement de registre : le spectaculaire se mue en tragique. Le cinéma regorge de ces histoires nourries aux drames de la vie et qui font de l’homme le héros de sa propre chute, jusqu’à sa reconquête. Mais ce n’est pas à une fiction cousue de fil blanc que l’on assiste en regardant Salto Mortale. Le réalisateur Guillaume Kozakiewiez a choisi de suivre au plus près le funambule des Colporteurs Antoine Rigot dans le travail personnel et artistique qu’il accomplit depuis son accident jusqu’à la création du Bal des Intouchables. Avec une économie de moyens, avec une grande sobriété et sans recherche d’effets, il livre par petites touches le quotidien d’un homme dans différentes situations de sa vie. Fabrice Champion, voltigeur des Arts Sauts devenu tétraplégique, avait fait l’objet avant lui d’un documentaire. Salto Mortale est dans la même veine que le Parade d’Olivier Meyrou. Ce sont des films furieusement attachés à la vie.
L’infinité du geste qui revit
Salto Mortale s’ouvre sur des images d’archives montrant le duo burlesque qu’Antoine formait avec sa partenaire et compagne Agathe Olivier, comme issues d’une vieille VHS. Légèreté et joie de vivre, insouciance et poésie, vite balayés par la scène du réveil, où le corps meurtri et vieilli tente de trouver son équilibre sous la douche. Le film est construit ainsi, pour montrer plus que raconter, entremêlant les registres pour ne livrer au spectateur qu’un point de vue sur l’histoire à chaque fois. On picore alors dans la vie de cet homme, passant par l’évocation des souvenirs sur de vieilles photos noir et blanc, par les images de répétitions, sans oublier la lecture du journal intime – très éclairante – ou les moments de transmission à de jeunes circassiens. Ce documentaire réussit à ne pas être un film sur le handicap, même si l’histoire est en creux et que les références au drame et à ses conséquences sont clairement énoncées. Il ne montre pas la paralysie, mais l’infinité du geste qui revit ; il ne montre pas l’empêchement, mais la volonté d’aller plus loin ; il ne verse pas dans l’immobilité, mais se conçoit comme une ode au mouvement. Les plans, quand ils se concentrent sur le corps et la chair, ne s’y trompent pas : il est question avant tout d’un corps au travail, un corps à haute résilience, et d’une personnalité qui ne lâche rien. Salto Mortale est un film qui n’avance pas dans la douleur mais dans la douceur, dans la pudeur, évacuant le pathos pour se concentrer sur l’homme.
Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Salto Mortaledu dimanche 23 novembre 2014 au mercredi 26 novembre 2014
film de Guillaume Kozakiewiez, sortie en salles le 26 novembre 2014.
Avant-première le 25 novembre à 20h30 au cinéma le Saint André des Arts, 30 rue Saint André des Arts, 75006 Paris. Tél. : 01 43 26 48 18. En présence de Guillaume Kozakiewiez et Antoine Rigot, en partenariat avec la Fondation BNP Paribas, les 25 et 26 novembre à 20h30.
Avant-premières le 23 novembre au Ciné TNB à Rennes.