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Le virage des années 90 : un nouveau positionnement esthétique et politique

Le virage des années 90 : un nouveau positionnement esthétique et politique - Critique sortie Danse
Crédit : DR

Publié le 30 novembre 2011

Enseignante et chercheuse, Céline Roux apporte un éclairage particulier sur la période 1993-2003 dans son ouvrage Danse(s) performative(s)1. Elle revient ici sur les enjeux de ce que l’on a appelé la non-danse.

Au début des années 2000, la notion de non-danse a été mise au jour par la journaliste Dominique Frétard. Que recouvrait ce terme à l’époque ?
Céline Roux :
Le terme de non-danse pose souci étymologiquement. Suite à l’article de Dominique Frétard2, on l’a traduit comme une volonté des artistes de créer a contrario de leur médium : ils allaient créer de la non-danse, être « chorégraphes de non-chorégraphies »… Dans son rôle de journaliste, elle a tenté d’éclairer les choses tout en jouant d’un effet d’annonce fort. Ce processus a été interprété comme une volonté de destruction de la danse, alors que ce n’était pas ni le souhait de ces artistes, ni leur démarche. Ce qui les intéressait, c’était de réévaluer la définition même de la danse. Cela a activé des décadrages et des résistances face à la danse d’auteur des années 80.

« Arrêter de séparer l’expérience et la recherche du « produit fini », du résultat. »

Résistance qui ne veut pas dire négation, comme peut l’induire le terme de non-danse…
C. R. :
C’est là l’écart qui me gêne dans ce terme, parce qu’en aucun cas il n’y a eu négation. Beaucoup de ces chorégraphes avaient vécu en tant qu’interprètes les années 80. Dans les années 90, ils ont été les premiers à mettre en avant tout un pan de l’histoire de la danse qu’on ne connaissait pas vraiment jusqu’alors : la post-modern dance. Cela va les enthousiasmer, car les expériences des postmodernes américains montraient que le modèle d’une pièce par an, pensée comme objet « fini », n’était pas exclusif, et que le champ des arts plastiques était un territoire  riche pour l’art chorégraphique.

Que vient faire la notion de performance, qui est aussi utilisée pour qualifier certaines démarches ?
C. R. :
Le mot performance, lorsqu’il est apparu au sujet de ces projets, a été le fait des artistes, mais surtout des journalistes et des programmateurs, qui devaient trouver une manière de présenter ces projets-là. Il est apparu très vite, car les notions d’unique et d’expérimentation revenaient souvent. La filiation directe avec la post-modern dance et cette attirance par rapport aux performances dans le champ des arts plastiques ont aussi compté.

Pourquoi utilisez-vous le terme de danse performative ou attitude performative ?
C. R. :
Pour justement le décoller de cette notion de performance issue des arts plastiques. Il y a dans l’attitude de ces artistes, par rapport à leur modalité de fabrication de l’œuvre, par rapport au champ chorégraphique, quelque chose qui relève d’une attitude performative. Je pense à Jérôme Bel, Boris Chamatz, Xavier Le Roy, Loïc Touzé, Emmanuelle Huynh, Alain Buffard, Myriam Gourfink… Le terme de non-danse voudrait déterminer un groupe générique à partir de critères communs, alors que, selon moi, c’est une attitude, à un moment donné, qui pose les conditions d’existence de cette tendance.

Beaucoup d’entre eux étaient les fameux Signataires du 20 août. De quoi s’agissait-il ?
C. R. :
C’est une association créée le 20 août 1997, créée par des chorégraphes, des danseurs et des chercheurs. Dans le contexte de l’époque, ils exprimaient le besoin de questionner les dynamiques d’attribution de subventions et les dynamiques de reconnaissance artistique. Ils ont défendu ardemment un point de vue : arrêter de séparer l’expérience et la recherche du « produit fini », du résultat. Plus largement, le groupe des Signataires du 20 août a su problématiser un certain nombre de questions sur ce qui fait œuvre en danse, tout le travail artistique d’aujourd’hui touchant à la question de l’histoire et de la reprise en est une conséquence.

Propos recueillis par Nathalie Yokel

1 paru en 1997 chez L’Harmattan
2 article paru dans Le Monde le 6 mai 2003

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