La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Etat des lieux de la danse en France

Du pas de danse au pas de danse ?

Du pas de danse au pas de danse ? - Critique sortie
© Katrin Schoof Légende : Self Unfinished (1998) de Xavier Le Roy.

Publié le 30 novembre 2011

Il en va ainsi de nombreux mouvements artistiques : on ne sait pas très bien quand ils naissent, ni comment, et leur pertinence s’épuise petit à petit à servir artificiellement de ligne de fracture.

Pendant une quinzaine d’années  on a ainsi tiré profit d’une sémantique un peu simpliste pour opposer les partisans de la danse, supposés gardiens ringards d’une certaine tradition, à ceux de la non-danse, supposés membres d’une avant-garde snob et prétentieuse. Il faut dire que nombre d’artistes rangés sous la bannière de la non-danse – sans l’avoir  forcément revendiqué eux-mêmes – furent propulsés à la tête des CCN. Ce phénomène, à l’affrontement esthétique initial, surajouta donc un grief politique envers l’institution publique qui mépriserait les aspirations dudit public. La polémique sur la nomination d’Hervieu-Montalvo à Chaillot aidant, ou encore quelques articles provocateurs – l’un annonçant en 2003  la fin de la non-danse (1), l’autre la critiquant de manière caricaturale en 2007 (2) – les affrontements entre partisans de la danse et de la non-danse se sont perpétués. Le caractère excessivement manichéen de l’opposition, tout comme les polémiques qui l’ont entretenue ne doivent pas pour autant disqualifier ce concept, ce champ, ce mouvement, cette mouvance – on ne sait trop comment classifier la non-danse. Il y a tout juste deux ans, Rosita Boisseau soulignait que l’on dansait de moins en moins dans la danse contemporaine, ce qui laisserait penser, qu’une fois le feu des affrontements éteint, la non-danse continue de progresser (3).  Fort heureusement,  c’est certainement le cas.

« J’en ai eu assez de sauter comme un cabri »

La non-danse  peut en effet se saisir via cette perspective du reflux du mouvement visiblement dansé. Car elle se fonde en partie sur un refus de la danse comme exhibition exténuante de la maîtrise du corps, ainsi que le résume le mot devenu célèbre d’Alain Buffard : « j’en ai eu assez de sauter comme un cabri ». Chronologiquement, la non-danse répond à la vogue de la chorégraphie des années 80 pour se développer courant 90, avec Jérôme Bel, Boris Chamatz, Xavier Le Roy, etc. Mais comme  beaucoup de pratiques contemporaines du spectacle vivant, la non-danse interroge aussi les codes de la représentation, du spectacle, du corps, la position du spectateur et les frontières entre disciplines. Elle substitue au mouvement chorégraphié virtuose une gestuelle peu conventionnelle qui exhibe moins le corps comme outil de la danse qu’elle ne l’expérimente comme manière d’être au monde. Finalement, dans le mouvement de la danse contemporaine, elle ne fait qu’ouvrir un territoire d’expérimentations loin, bien loin, aujourd’hui de se refermer.

Eric Demey

(1) Dominique Frétard, La fin annoncée de la non-danse. Le Monde, 6 mai 2003
(2)Dominique Simonnet,  Les précieux ridicules. Le Monde, 11 décembre 2007
(3) Rosita Boisseau, Dans beaucoup de spectacles de danse, on ne danse plus. Le Monde, 25 avril 2009

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le spectacle vivant

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le spectacle vivant