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La transmission du jazz en France : Histoire et perspectives

« Improviser, c’est jouer au-delà de ce que l’on sait ! » Ce bon mot de Miles Davis a longtemps prévalu dans la transmission du jazz. Pour des générations, apprendre le jazz, c’était des heures à écouter puis jouer en clubs, auprès des aînés. Avant que cette musique d’essence contre-culturelle et subversive entre dans la norme, ou du moins dans les réseaux institués de l’apprentissage formel.

Publié le 10 octobre 2009

« Improviser, c’est jouer au-delà de ce que l’on sait ! » Ce bon mot de Miles Davis a longtemps prévalu dans la transmission du jazz. Pour des générations, apprendre le jazz, c’était des heures à écouter puis jouer en clubs, auprès des aînés. Avant que cette musique d’essence contre-culturelle et subversive entre dans la norme, ou du moins dans les réseaux institués de l’apprentissage formel.

1968 : une classe de jazz est créée par Guy Longnon au Conservatoire de Marseille. C’est une grande première, qui restera longtemps un cas d’école. « Le jazz était interdit dans les conservatoires, confie Pascal Anquetil, responsable du jazz à l’IRMA. De jeunes musiciens aujourd’hui bien connus, comme Antoine Hervé ou Andy Emler, le pratiquaient en cachette. » Et puis il y eut à Paris l’IACP d’Alan Silva et le CIM d’Alain Guerrini, deux emblématiques écoles pionnières, qui à partir de 1976 vont inventer une pédagogie pour des centaines de musiciens, simples amateurs ou bientôt professionnels. Avec les années 1980, le jazz longtemps parent pauvre de la Culture va enfin bénéficier de soutiens : l’ouverture d’une classe au conservatoire d’Angoulême par Didier Levallet préfigure un mouvement général, qui doit beaucoup à Maurice Fleuret, alors à la direction de la musique et de la danse au ministère. Un certificat d’aptitude du jazz est créé, bientôt suivi d’un diplôme d’enseignement du jazz. Nombre de musiciens vont s’engouffrer dans cette brèche. A partir des années 1990, le jazz entre massivement dans les conservatoires. En 2010, plus des deux tiers des conservatoires ont un enseignement de jazz : que ce soit des départements comme à Villeurbanne, des classes ou de simples ateliers… Et il y a encore des ouvertures, « comme à Béziers qui a longtemps fait de la résistance pourtant », note Pascal Anquetil. « Il y a six ans, il y avait 700 candidats au DE pour 70 reçus ! Ce diplôme est quelque chose désormais de quasi obligatoire pour enseigner, là où auparavant des années de carrière suffisaient. »

Enseigner et jouer sur scène : l’un ne va pas sans l’autre
Aujourd’hui, on observe même une tendance des musiciens à se sédentariser dans des postes « académiques ». Ce que stigmatise Bernard Lubat, lorsqu’il confiait dans ces mêmes colonnes (La Terrasse hors série Avignon 2010) : « Je me demande comment peuvent faire des jeunes musiciens qui apprennent la musique mais ne la jouent jamais dans la cité, dans la société. C’est comme si en football, il y avait des entraînements, du tableau noir, mais jamais de match par manque de stade ! Dans le meilleur des cas, les profs formeront d’autres profs. Et puis les autres, qui n’auront pas le niveau admissible, deviendront des clients. » En clair, la pédagogie c’est une chose. La pratique de la scène, c’en est une autre. Et pour être un bon prof, l’une ne va pas sans l’autre. D’ailleurs, nombre de jazzmen confient consacrer une partie de leurs activités à l’enseignement, tout en continuant la scène. « Cela constitue la voie pour durer dans le métier la plus usitée, en particulier quand les sources d’emploi se font plus rares. Il est donc extrêmement fréquent, notamment en province, d’être prof et musicien. », résume le sociologue Marc Perrenoud. Et ce, que ce soit dans les conservatoires ou dans des écoles privées, regroupées dans la Fédération Nationales des Ecoles d’Influence Jazz et Musiques Actuelles, comme la Music’halle à Toulouse et l’EDIM à Cachan. C’est le cas du pianiste Guillaume de Chassy qui, tout en continuant d’enregistrer des albums, consacre un tiers de son temps à l’enseignement. « Je ne conçois pas qu’on puisse enseigner le jazz sans être en même temps un musicien de haut niveau en activité. Tout comme je suis convaincu qu’il ne faut pas enseigner avant d’avoir accumulé une expérience suffisante du métier. Une formation ne prend son sens qu’assortie d’une pratique intensive en dehors des cours, une immersion totale… La finalité reste de développer sa personnalité et son langage propre. » Guillaume de Chassy aura ainsi fui le conservatoire à l’adolescence, pour y revenir plus tard : il dirige à Tours le département Jazz co-organisé par le Conservatoire et l’école privée Jazz à Tours !  « J’enseigne des méthodes de travail pour maîtriser les règles de cette musique et je transmets mon expérience de musicien et mes valeurs d’être humain. J’enseigne aussi parce que je ne cesse d’apprendre et de progresser au contact de mes étudiants. » Enseigner le jazz, c’est donc avant tout un rapport singulier entre un maître et un élève : le premier doit révéler au second sa propre capacité à improviser. C’est pourquoi, pour paraphraser François Théberge, saxophoniste qui partage son temps entre le Conservatoire National Supérieur de Musique et la scène, « il y a autant de méthodes que de personnes… beaucoup de bonnes mais aucune miraculeuse. »

Jacques Denis

 

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