La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Etat des lieux de la danse en France

La perception d’une œuvre et le défi de sa mise en mots

La perception d’une œuvre et le défi de sa mise en mots - Critique sortie
© D. R.

Publié le 30 novembre 2011

Doctorante et enseignante au département danse de l’Université Paris 8, Ninon Prouteau travaille sur la perception du mouvement dansé et sur sa mise en mots.

« Le geste est avant tout idiosyncrasique, et quelle que soit sa proximité formelle avec un acte ou une convention identifiables, il restera toujours pour moi qui le regarde, un mystère, un monde, un exotisme. C’est cela qui me semble merveilleux dans le geste dansé : il n’a pas de vocabulaire à proprement parler, ça n’est pas une langue, ça n’est pas seulement une forme, ça n’est pas une organisation close, et ça trouve le moyen de s’adresser à moi. Ainsi, sa mise en mots relève toujours du défi, mais n’est pas insurmontable. Tout d’abord, tenter de le décrire permet de faire apparaître bien des éléments aidant à voir un geste, c’est à mon sens tout l’intérêt d’un travail de critique chorégraphique. C’est bien à partir de là que l’on peut envisager de construire un discours. Dans le laboratoire où je fais mon doctorat à Paris 8 (laboratoire d’analyse des pratiques et discours du champ chorégraphique) les chercheurs Christine Roquet et Hubert Godard développent quant à eux une “approche systémique du geste expressif“. C’est une manière d’analyse du mouvement qui a pour prédicat la description du geste, en faisant appel à de multiples champs lexicaux et conceptuels, en puisant dans les littératures et pratiques scientifiques, et poétiques. Pour autant le primat de cette analyse est toujours accordé à ce que le geste de l’autre me donne à ressentir et réfléchir.

Processus perceptif avant tout

En présence de l’oeuvre, quand elle est là, complexe, multiple, dense, beaucoup de sensations et de pensées affleurent. Que l’on soit  informé ou non des processus ayant conduit à la création d’une pièce de danse, c’est toujours ce moment acméique du “voir“ la pièce qui va donner lieu à un geste critique (en formulant un texte ou pour soi-même, en la recevant intimement). Si les artistes travaillent avec de plus en plus de références et d’influences, les critiques ne peuvent pas ne pas en tenir compte, tout simplement car ils en sont eux-mêmes pétris. En effet, les artistes, spectateurs, critiques, sont animés par des processus variés, diverses dynamiques de pensée et de travail. En outre, le spectateur peut éventuellement ressentir une difficulté à voir une œuvre s’il n’a aucune idée des processus qui l’ont générée, mais pour moi ce qui “coupe“ un spectateur d’une œuvre, ce n’est pas tant que les oeuvres soient processuelles, que le fait que ces processus soient abusivement “fictionnés“ comme étant hors de portée, délirants, idiots, ou élitistes. C’est alors oublier que la plupart des processus menant à faire une oeuvre ne sont pas autres que ceux menant à voir une oeuvre. Le processus du sentir, du percevoir, est au coeur de la majeure partie des « processus créatifs », même ceux réclamés comme “conceptuels“. »

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le spectacle vivant

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le spectacle vivant