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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

La musique Baroque en France

La musique baroque au Conservatoire : une relation conflictuelle

La musique baroque au Conservatoire : une relation conflictuelle - Critique sortie
Légende : Session de travail dans le département de musique ancienne du CNSM de Paris. Mention : DR.

Publié le 10 juillet 2008

La musique baroque au Conservatoire : une relation conflictuelle

La carrière d’un interprète sur instrument ancien n’a pas le même visage que celle d’un « moderne ». Quid de la formation des jeunes « baroqueux » ‘ La culture baroque a-t-elle sa place dans les conservatoires ‘

« Au CNSM [Conservatoire national supérieur de musique] de Paris, la musique ancienne est clairement la dernière roue du carrosse », estime Emmanuel Laporte, hautbois solo des Musiciens du Louvre et ancien étudiant au « sup’ de Paris ». Dans cette institution créée en 1793, le département baroque est le plus récent. Et son directeur, Pascal Duc, de batailler pour faire exister cette branche « non prioritaire » de la formation au CNSM. « Il y a parfois un état d’esprit qui privilégie la performance et met la musique au deuxième plan, dit-il. Il y a un certain dédain vis-à-vis de la musique ancienne ». Le problème, admet Emmanuel Laporte, « c’est qu’il n’y a pas, au CNSM, d’identité baroque comme il y en a une à Bâle ou à Amsterdam ». Et les candidats, dans certaines disciplines rares, de se présenter en nombre insuffisant le jour des concours d’entrée. Le conservatoire en serait réduit à faire appel à des musiciens extérieurs pour les projets d’orchestre. Malgré tout, les dix classes, qui réunissent une cinquantaine d’élèves et dix-huit professeurs, sont « composées de telle manière qu’il est très facile de faire de la musique de chambre », reconnaît un flûtiste français, élève au Conservatoire Royal de Bruxelles. Les efforts de redéploiement fournis par le directeur du département témoignent en outre d’une claire détermination à faire évoluer positivement la situation. Aujourd’hui, « à part en hautbois et en basson, les classes sont presque pleines, indique Pascal Duc. Il faut que ça se sache qu’on fait des choses intéressantes ! »
 
« Machine à concours »
 
Cela n’empêche pas les jeunes français de favoriser certains conservatoires étrangers, avant qu’ils ne rejoignent des ensembles… hexagonaux, car la France regorge d’orchestre baroques de qualité. Bruxelles, ainsi que Bâle, Amsterdam ou La Haye sont des foyers historiques du mouvement baroque : « les pionniers de la musique ancienne, comme Leonhardt, Kuijken ou encore Brüggen, enseignent à l’étranger. Il me semble logique d’aller à la source tant que cela est possible. Je vois rarement des gens n’étudier qu’en France », explique le flûtiste bruxellois. Pour Pascal Duc, « cela s’appelle la mobilité et c’est quelque choses de très naturel. Moi, j’ai 40 % d’étrangers dans le département, c’est-à-dire deux fois plus que dans le reste du CNSM ». Le problème est peut-être ailleurs : la musique ancienne a une culture propre qui se distingue en bien des points de la culture des « modernes » – recrutements, fonctionnement des ensembles ou carrières. D’où la nécessité d’une pédagogie adaptée, préparant à la vie professionnelle. « Une machine à concours comme le CNSM est difficilement compatible avec la musique baroque », tranche le flûtiste du Conservatoire Royal. Quant à Emmanuel Laporte, il estime qu’« il faut prendre conscience de l’évolution du métier et réinventer sous quelles formes lancer ces jeunes musiciens ». En fait, c’est du côté des ensembles eux-mêmes, ainsi que des lieux de diffusion que des idées originales émergent. Alors que l’orchestre des Champs-Élysées ou le Concert d’Astrée se sont rapprochés du CNSM pour faciliter l’insertion professionnelle des grands étudiants, William Christie et Martin Gester mettent le pied à l’étrier à de jeunes chanteurs, avec le Jardin des Voix et le Studio Vocal. Les formations créées autour des festivals d’Ambronay ou de Royaumont, ainsi que l’Orchestre Français des Jeunes Baroque et le Jeune Orchestre Atlantique sont autant de propositions alternatives à la formation des conservatoires. Leur préoccupation commune : établir le maillon manquant au niveau de l’insertion professionnelle.

A. Helmbacher


 
Tribune
 
L’enseignement de la musique vocale baroque en France : un désert !
 
Iakovos Pappas, directeur de l’Ensemble Almazys et chef de chant, déplore les manques patents de l’enseignement de la musique vocale baroque dans l’hexagone.
 
Pour éclairer le sujet, il n’est pas inutile de rappeler le principe de la musique en France durant les XVIIème et XVIIIème  siècles : la voix est l’unique modèle de l’expression musicale, les instruments n’étant que des imitateurs. Toutefois, la résurrection de cette musique s’opéra à l’inverse ; les pionniers des années 1920 puis 1960 et 1970 sont des instrumentistes. A l’époque, la majorité des chanteurs ne montre que peu d’intérêt pour de telles recherches. Cela aura de profondes conséquences : primauté de l’enseignement instrumental au détriment de l’interprétation vocale. Il n’y a eu que deux classes importantes dédiées spécifiquement à la voix : l’une au sein du Conservatoire National Supérieur de Paris, qui ferma ses portes au début des années 1990, et l’autre au sein du Centre de musique baroque de Versailles, qui cessa ses activités en 1997. Depuis, plus rien. On ne compte plus les jeunes chanteurs qui viennent auditionner et qui étalent leur méconnaissance et leur désarroi ; mais comment faire pour apprendre ce qu’est un récit de Lully, de Montéclair ou de Rameau ‘ Comment intégrer ces chanteurs dans une production professionnelle, qui, à chaque fois, se transforme de facto en formation ‘ Comment affronter des styles aussi complexes que les airs « à doubles » de Michel Lambert en n’ayant que quelques jours de répétition, normalement suffisants pour des interprètes aguerris ‘ Ne parlons même pas des écueils d’un opéra-comique, avec ses passages chantés et parlés ! Le problème est si grave que nous assistons désormais à des représentations de musique française, chantées par des Français, s’adressant à un public français et ayant besoin du sous-titrage ! Faut-il attendre encore une décennie pour prendre conscience de l’abîme profond qui est en train de se creuser ‘ Sans oublier l’inexistence de la formation des accompagnateurs. On confond toujours l’apprentissage des règles de réalisation de la basse-continue avec l’art de l’accompagnement. C’est pourquoi, fort de ma collaboration avec les deux classes précitées, j’ai dû mettre en œuvre une méthode spécifique pour appréhender les œuvres des XVIIème et XVIIIème  siècles, qui depuis dix ans fait ses preuves. 
 
Iakovos Pappas

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