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La danse classique : un legs, une source d’inspiration et de renouvellement

La danse classique : un legs, une source d’inspiration et de renouvellement - Critique sortie
© M. Logvinov

Publié le 30 novembre 2011

Avec inventivité, maîtrise et passion, Thierry Malandain revisite le vocabulaire classique. Il rend ainsi un hommage exigeant au corps dansant, et crée de nouveaux gestes et de nouvelles émotions. Il dirige depuis 1998 le Centre Chorégraphique National / Malandain Ballet Biarritz.

Le Malandain Ballet Biarritz est associé au courant esthétique néo-classique. Comment définissez-vous ce courant ?
Thierry Malandain :
Le terme néo-classique est obsolète, mais il désigne les chorégraphes attachés au vocabulaire de la danse classique et prenant des libertés avec lui. Officiellement, l’épithète est liée à Serge Lifar, lequel en son temps entreprit une réforme du mouvement et de la technique qu’on appela néo-classique. Mais, déjà avant les Ballets russes, des chorégraphes des deux sexes avaient brisé les codes en usant de l’en-dedans, des mouvements angulaires, des figures au sol, etc. « N’oublions pas, dit lui-même Lifar, que la danse académique est une matière vivante, perpétuellement en mouvement, et qu’elle doit profiter de toutes les innovations.» Sans perdre de vue qu’elle est un legs, elle est pour moi une source d’inspiration, de renouvellement. Enrichie par la musique, elle est un outil pour refléter le monde, la destinée humaine, et le sens compte. 

 « La place accordée ce jour à la danse classique et à ses prolongements est maigre, pour ne pas dire préoccupante. »

Votre attachement au vocabulaire classique a-t-il à un moment déconcerté le milieu chorégraphique français ? Pourquoi ? Quelle place pour le néo-classique aujourd’hui en France ?
T. M. :
Dans les années 80, marquées par l’avènement de la « nouvelle danse », mes débuts furent embarrassés. Certains  considéraient ma démarche comme un affront à la modernité. Mais mon équipe était soudée, et très tôt, j’ai chorégraphié pour d’autres troupes en France et à l’étranger. Sans quoi, comme ceux de mon espèce, j’aurais dû faire allégeance aux critères esthétiques en vigueur, m’exiler ou abandonner. La raison de cette mise à l’écart tint à un malentendu, voire à une méconnaissance qui n’a pas fini de se répandre. Car la place accordée ce jour à la danse classique et à ses prolongements est maigre, pour ne pas dire préoccupante, puisqu’au-delà d’un héritage perfectionné et enrichi par les années, c’est la transmission d’un savoir-faire qui se perd. 

Le néo-classique particulièrement inventif que vous créez est-il en dialogue avec la danse contemporaine ou d’autres champs artistiques et de quelle façon ? T. M. : Inventer est ce à quoi j’aspire, mais il est difficile d’aller « hors de soi ».  De la danse contemporaine, j’ai appris que l’on pouvait donner de la chair et du sang à la danse. Autrement, je suis réceptif aux expérimentations, même si certaines provocations ne sont que provisoires. Pour le reste mon dialogue avec les autres arts se limite à la musique, nous nous produisons d’ailleurs régulièrement avec orchestre, à la lumière, aux arts plastiques par le biais de la scénographie et des costumes. Je ne suis pas opposé à la pluridisciplinarité, qui n’est pas un phénomène contemporain, mais je préfère me souvenir que la danse fut longtemps la bonne dernière dans la hiérarchie des arts. 
 
Dans quelles salles êtes-vous diffusé et êtes-vous satisfait de cette diffusion ?
T. M. :
Avec une troupe de 25 artistes permanents nous jouons jusqu’à 100 fois par saison, ce qui est indispensable à notre budget de 3.400.000 € qui dépend à 50% de fonds propres. Maintenant, après New York, Moscou, Pékin, c’est vrai qu’il nous a fallu patienter pour être vus à Paris. Autrement nous ne dépendons d’aucun réseau, notre diffusion est variée, et quelques scènes nationales “anti-conformistes“ nous affichent.   

Le Ballet Biarritz est devenu le premier CCN de style classique en 1998. Quelles sont selon vous ses missions en tant que CCN ?
T. M. :
En 1998, il était en effet le premier confié à un chorégraphe de ce style. Mais à l’époque les CCN de Roubaix, Marseille, Nancy et Mulhouse associaient encore des créations à un répertoire réclamant des danseurs de formation classique. Ce n’est plus absolument vrai aujourd’hui, et si au départ de Bertrand d’At, qui fit œuvre utile à Mulhouse, le Ballet du Rhin s’engage sur une autre voie, comme cela semble aussi le cas à Nancy, le CCN de Biarritz sera à peu près le seul de cette nature. Sauf que je n’ai pas pour mission d’aborder le répertoire issu de la danse académique. Avec un accent porté sur la sensibilisation, notre cahier des charges est celui de tous les CCN. C’est-à-dire, la création, la diffusion, le soutien aux compagnies dans le cadre de l’Accueil-Studio, etc. Mais, eu égard à notre situation géographique nous développons en plus un projet transfrontalier intitulé Ballet T, soutenu par l’Europe. Sur ce terrain nous sommes en pointe. 
 
Propos recueillis par Agnès Santi

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