La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Le Cirque contemporain en France

Etre un acteur à part entière de la vie culturelle et sociale

Etre un acteur à part entière de la vie culturelle et sociale - Critique sortie
© D. R.

Fondation BNP Paribas : 15 ans d’engagement auprès des Arts du Cirque

Publié le 11 novembre 2014

Des idées et des convictions traduites en soutiens et en actes concrets : c’est ce qu’accomplit avec énergie et passion l’équipe de la Fondation BNP Paribas. Le mécénat permet à l’entreprise d’oeuvrer dans l’intérêt général au cœur de la vie sociale et culturelle. En trente ans, loin de tout penchant fataliste et morose propice à l’inertie, l’équipe de la Fondation Bnp Paribas a créé et développé de multiples programmes de mécénat en France et dans le monde, dans les champs de la culture, de la solidarité et de la recherche scientifique. Martine Tridde-Mazloum, déléguée générale de la Fondation de 1984 à 2013, aujourd’hui Responsable du Mécénat Groupe, et Jean-Jacques Goron, délégué général depuis l’an dernier de la Fondation, qu’il a intégrée en 1995, ont travaillé en tandem et mis en place une expertise nourrie de valeurs et d’expérience. Une constante attention à l’autre, un enthousiasme intact et… un exemple à suivre ! 

Quelle est votre conception du mécénat d’entreprise, qu’il soit culturel, social ou lié à la recherche scientifique ?

Martine Tridde-Mazloum : Le mécénat résulte de la volonté de certaines entreprises d’aller au-delà de leur seule fonction économique pour agir dans l’intérêt général et devenir des acteurs à part entière de la vie culturelle et sociale. Tout simplement parce que les entreprises ne vivent pas repliées sur elles-mêmes, mais sont en prise directe avec le monde, attentives à ce qui les entoure et capables de porter un regard sur la société. Dans les années 80, les dirigeants de la banque ont été pionniers dans ce domaine. Le mécénat rassemble des énergies et reflète la personnalité et les valeurs d’une entreprise, son attention portée aux évolutions de la société. Le point de départ et le moteur du mécénat, c’est la conviction et l’envie d’y aller ! Car les incitations fiscales encouragent certes à en faire plus, mais elles ne déclenchent rien. Si l’action de la Fondation BNP Paribas s’est élargie avec les années, sa philosophie reste la même et prône un mécénat qui s’attache plus aux individus qu’aux institutions : identifier et soutenir des créateurs ; repérer des projets novateurs et les aider à se réaliser. L’apport est certes financier mais avant tout humain. Lorsque la Fondation s’engage, elle accompagne ses partenaires au quotidien tant sur le terrain de la réflexion que de l’action. Elle leur apporte sa matière grise, son temps, sa présence sur le terrain, les réseaux de relations de la Banque dans le monde. Les actions de la Fondation conjuguent un ancrage fort dans les territoires, sur le terrain, et une vision « Monde » globale. En privilégiant cette proximité avec ses partenaires, en partageant leurs succès comme leurs difficultés, la Fondation s’efforce d’être au plus près de leurs besoins. C’est dans cet échange que le mécénat trouve sa raison d’être et doit garder ce qui en fait l’essence depuis toujours : la part d’inattendu et de risque, l’aléatoire d’une rencontre qui fait que soudain des mondes qui se méconnaissaient vont construire ensemble. L’inscription de cette relation dans la durée et dans la confiance est primordiale.

« L’apport est certes financier mais avant tout humain. » Martine Tridde-Mazloum

« Le point de départ d’une politique de mécénat, c’est l’envie d’agir dans l’intérêt général. » Jean-Jacques Goron 

Jean-Jacques Goron : Nous avons par exemple accompagné Aurélien Bory, Angelin Preljocaj ou Johann Le Guillerm pendant plus de dix ans. L’état d’esprit est vraiment de faire un bout de chemin ensemble, de s’enrichir les uns les autres. Nous accompagnons les projets, rencontrons régulièrement les artistes pour réfléchir avec eux sur les questions de diffusion, de communication, de relais et de mise en réseau. Nous intervenons en général à un moment crucial ou charnière du parcours des artistes pour les aider à développer leur projet. Mais nous nous attachons aussi à faire connaître et à valoriser leurs projets auprès de nos parties prenantes, salariés, clients et actionnaires notamment. Car plutôt que d’être au service de la notoriété de l’entreprise, le mécénat nourrit son image. Le point de départ d’une politique de mécénat, c’est l’envie d’agir dans l’intérêt général. La Fondation est le fruit d’une histoire. Nous avons toujours été une fondation pluridisciplinaire, fortement engagée dès l’origine dans le champ culturel. Nous couvrons trois grands domaines d’intervention : la culture, avec la préservation et la valorisation du patrimoine et le soutien à la création artistique ; la solidarité, qui comprend aussi les programmes éducatifs ; et la recherche, axée sur l’environnement et le changement climatique.  Après trente ans de soutien important à la recherche médicale, nous mettons en avant depuis quatre ans la question environnementale, en lien avec la  Délégation à la Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) du groupe. Ce défi mondial est une priorité de la Banque que nous confortons en soutenant des chercheurs dans ce domaine encore peu défendu par le mécénat. C’est un enjeu majeur pour les générations futures !

Le mécénat culturel est-il fragilisé par le relatif désengagement de l’Etat dans la culture ?

M. T.-M. : Une politique culturelle publique qui traduit un engagement et des convictions a des effets vertueux sur le mécénat. Lorsqu’une entreprise comprend que la question culturelle occupe un rôle central au niveau des pouvoirs publics, elle se sent plus légitime pour intervenir et y trouve une forme de modèle ou d’incitation à s’inscrire dans un projet plus global. Le mécénat a débuté dans les années 80 dans le cadre d’une politique culturelle publique affirmée. Contrairement à ce que certains peuvent imaginer, on n’a pas affaire à un système de vases communicants ; ce n’est pas parce que la puissance publique se désengage que les entreprises vont prendre le relais, c’est même l’effet inverse qui se produit.

Le mécénat culturel a-t-il encore sa place dans une société et une économie en crise ?

M. T.-M. : Nous ne pouvons évidemment pas ignorer la crise. La Fondation a agi pour en atténuer les effets. Dans le champ social, nos équipes ont par exemple mis en place en 2005, trois mois après l’explosion dans les banlieues, le “Projet Banlieues“ qui s’est appuyé sur trois volets : la création d’emplois, l’accompagnement scolaire, et le soutien de tout un faisceau de petites associations de quartiers qui font un travail essentiel et d’ailleurs, souvent, interviennent à partir de projets culturels. Mais prenons garde ! Favoriser dans les projets culturels les actions de sensibilisation et le volet social risque d’aboutir à une forme de déséquilibre et d’exclusion des artistes. Soutenir les initiatives pédagogiques d’un festival, les actions culturelles d’un musée, les programmes de développement des publics d’une maison d’opéra ou d’un théâtre, c’est formidable, à condition de ne pas oublier deux choses : ces structures n’ont pas attendu les entreprises pour mettre en place, et depuis longtemps, ce type d’initiatives ; et elles ont d’abord besoin des moyens d’accueillir les artistes et de produire des œuvres ! Ce qui me trouble, c’est la réticence des entreprises à affirmer haut et fort leur engagement dans le domaine artistique, en cherchant à « l’habiller » d’une enveloppe sociale et éducative. Les deux sont essentiels au mieux être des hommes. La vocation et la raison d’être des artistes, c’est la création ! Ils sont visionnaires, osent dire les choses et nous font rêver ! Je suis reconnaissante à la direction générale de la Banque de n’avoir jamais poussé à des arbitrages au détriment de la culture qui auraient été déchirants.

J.-J. G. : Le soutien à la création est pour nous essentiel, à travers les artistes de la danse contemporaine, des arts du cirque et du jazz, – des domaines peu favorisés par le mécénat. Nous soutenons aussi des lieux et structures qui participent à l’éclosion, la reconnaissance et la diffusion de ces formes. Cette année, nous aidons notamment la Biennale Internationale des Arts du Cirque en Provence ; c’est une première, et son ancrage territorial à Marseille nous permet de développer notre action de mécénat auprès des publics locaux. Nous avons aussi mis en place un programme de mécénat croisé à l’échelle de l’Europe. Intitulé Smart Start, ce projet pilote lancé en Europe il y a trois ans est un formidable programme d’éducation par la pratique artistique, destiné aux enfants et jeunes en situation de précarité ou de handicap. Nous l’avons étendu à quelques pays d’Asie, et à l’occasion de notre anniversaire, nous voulons l’étendre à une trentaine de pays !

Quelle est la part de la culture parmi toutes les sollicitations que vous recevez, et au sein de votre budget ?

J.-J. G. : Tous domaines confondus, nous recevons environ 4000 demandes par an, la part du champ social étant supérieure au champ culturel. Pour identifier les artistes et les projets, nous nous fions aussi à un réseau informel d’alerte. Nous sommes sur le terrain et nous privilégions toujours la qualité de l’accompagnement, dans la durée. Nous tissons de vraies relations, c’est un soutien sur mesure et une prise de risque assumée. Un artiste a besoin de temps pour créer ! Les fonds consacrés à la culture n’ont jamais diminué, même si nous avons renforcé nos engagements dans le champ social et de la recherche. Le Budget de la Fondation est de 7 millions, et à l’échelle du Groupe BNP Paribas passe à 40 millions, dont 9 sont consacrés à la culture, qui demeure donc un domaine privilégié d’intervention.

Quel est le rôle de la Fondation à l’échelle internationale ?

M. T.-M. : Placée sous l’égide de La Fondation de France, la Fondation a grandi, et elle a connu l’étape importante de la fusion de BNP et de Paribas en 2000, qui a permis d’unir des atouts complémentaires. J’ai eu à cœur de construire une politique de mécénat globale à l’échelle du Groupe. Dans un dialogue étroit avec les implantations de BNP Paribas, la Fondation assure un rôle d’impulsion, de conseil et de coordination des politiques de mécénat mises en œuvre dans le monde. Outre les nombreux programmes conduits en régie directe, quinze fondations sont actives au sein du Groupe. Notre savoir-faire dans le mécénat a irrigué le réseau de la banque ! Je vais bientôt quitter mes fonctions, et suis heureuse de pouvoir mettre ces acquis  au service du CNAC, dont j’ai été nommée Présidente l’an dernier. C’est une magnifique reconnaissance de notre action en faveur de la création circassienne.  Et je retrouve nos valeurs dans le projet de Gérard Fasoli : accompagnement des artistes au quotidien, culture pluridisciplinaire, brassage des sensibilités, esprit d’ouverture, ancrage territorial en Champagne Ardennes et vision “Monde“ avec des formations dispensées à l’étranger et une tournée prévue en Asie… Institution ou entreprise, nos chemins convergent dans la façon de faire vivre une structure proche des artistes !

 

Propos recueillis par Agnès Santi

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