Danser la communauté, Chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui et du GöteborgsOperans Danskompani et Eastman
La Villette – Chor. Sidi Larbi Cherkaoui / GöteborgsOperans Danskompani et Eastman
Entretien Sidi Larbi Cherkaoui
Publié le 26 février 2020
Depuis 2014, Sidi Larbi Cherkaoui a déployé une réflexion sur l’humanité et la communauté à travers les pièces Noetic et Icon. Il crée cette année Stoic, le dernier volet du triptyque, une pièce dansée très théâtrale, qui a comme point de départ la sagesse stoïcienne.
Stoic clôt un triptyque composé de avec Noetic (2014) et Icon (2016), monté avec la troupe du GöteborgsOperans Danskompani. Quelle est la place de ce dernier chapitre dans la trilogie ?
Sidi Larbi Cherkaoui : Noetic, Icon et Stoic dépeignent trois manières de s’organiser en tant que société. Dans Noetic, il y avait une structure très mathématique, une conscience de l’énergie éternelle qui constitue l’être humain. Puis, Icon dévoilait un univers terrien, où il était question de vider la terre de ses ressources, de la finalité de l’humain et de la fin de l’Humanité. Pour Stoic, ma réflexion fut moins ésotérique, plus concrète, car il y est question de la philosophie grecque stoïcienne, qui est très pragmatique. Je suis aussi retourné à des sources théâtrales présentes dans mes précédentes pièces, avec une mise en scène à la limite du pantomime. Les interprètes incarnent une communauté mondaine : ils sont accros à la cigarette, à leur téléphone, à regarder de l’art… Mais au fil de la pièce leur masque va tomber. Stoic est le début d’une réflexion, car j’aimerais explorer davantage cette piste du stoïcisme.
« Stoic est le début d’une réflexion, car j’aimerais explorer davantage cette piste du stoïcisme. »
Pourquoi vous être penché sur cette philosophie ?
S.L.C. : Le stoïcisme m’intéresse particulièrement en ce moment, car il fait partie de mon cheminement personnel. Cette manière de rester observateur de tout ce qui nous arrive, de cultiver un rapport très serein au monde, m’est apparue nécessaire en ce moment. Il y a tellement d’émotion et de dramatisation dans les médias, dans la politique. Nous avons besoin de retourner vers ces sources de notre société pour retrouver une forme de clarté.
Les contrastes sont aussi frappants dans cette création : le décor sous la forme d’une bibliothèque en béton, les costumes années 50, des musiques japonaise et arabe. Quel est le lien entre ces éléments, qui semblent de prime abord très hétéroclites ?
S.L.C. : Ils font tous partie de mon vécu. D’une manière ou d’une autre je m’y sens connecté. Il y a la tradition musicale arabe, que j’ai héritée de mon père, incarnée par le chanteur Mohammed El Arabi-Serghini, et la tradition musicale japonaise à laquelle je suis attaché car j’entretiens des liens très forts avec le Japon. J’ai collaboré avec Hans Op de Beeck à la scénographie, qui est flamand comme moi et dont l’univers absurde me parle. Il nous plonge dans le monde des années 40-50, très inspiré de Jacques Tati, où les rôles des hommes et de femmes sont particulièrement genrés. Il y a un côté très cliché, que je voulais accentuer pour mieux l’interroger. Car dans notre société, tout est balisé en fonction des normes de genres et de nos cultures. S’extirper de ces chemins pour trouver un espace de liberté est très compliqué ! Il y a comme une forme d’injustice constante, qui nous oblige à être une chose et pas une autre.
Propos recueillis par Belinda Mathieu
A propos de l'événement
Danser la communauté, Chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui et du GöteborgsOperans Danskompani et Eastmandu jeudi 14 mai 2020 au dimanche 17 mai 2020
Grande Halle de la Villette
211, avenue Jean Jaurès, 75019 Paris
Jeudi au samedi à 20h. Dimanche à 16h. Tél. : 01 40 03 75 75.