Artistes associés : un appel d’air pour les lieux et les compagnies
2016 aura été une année fertile en mesures nouvelles pour la danse. Parmi elles, le dispositif d’artiste associé proposé par le Ministère de la Culture récolte les approbations du secteur chorégraphique. Des dirigeants d’un Centre de Développement Chorégraphique, un Centre Chorégraphique National et un artiste nous livrent leurs points de vue après quelques mois de mise en route du dispositif.
Le terme était déjà largement usité : on pouvait être l’« artiste associé » d’un lieu, ce qui recouvrait tout un éventail de réalités selon la structure, selon le projet, et signifiait pour la compagnie une présence sous les modalités de la résidence. Juste avant l’été, la ministre de la Culture Audrey Azoulay a cependant rendu bien plus tangible cette idée d’association, au sein d’une politique plus globale de renforcement du soutien de l’Etat à la danse. Si la décision de faire surgir une enveloppe conséquente pour des compagnies « à rayonnement international et international » a été mal perçue, celle de formaliser un nouveau type d’aide à la résidence a semblé d’emblée plus légitime. Demandée depuis longtemps par les deux associations des Centres de Développement Chorégraphique et des Centres Chorégraphiques Nationaux, elle prend corps aujourd’hui : 11 CDC, ainsi que 8 CCN qui en ont fait la demande accueillent désormais une compagnie associée à leur structure pour trois ans, en convention avec l’Etat. Quelle différence avec les habituelles résidences ? Anne Sauvage, directrice de l’Atelier de Paris – Carolyn Carlson, pointe la possibilité d’accompagner un parcours : « Ce que je retiens de cette mesure, c’est qu’au-delà des objectifs prioritaires que sont la création, la diffusion, l’éducation artistique et culturelle et la formation – qui nous ont nourris pour œuvrer à cette idée d’artiste associé -, cela permet d’aller toucher d’autres enjeux comme l’inscription sur le territoire, ou la structuration de la compagnie. Ce que je trouve également très intéressant, c’est la réciprocité, et le fait que ce dispositif permette le partage. »
Un cadre pour mieux inventer
« C’est aussi bénéfique pour la compagnie que pour le lieu », reprend-elle. « Ainsi, nous avons invité Liz Santoro et Pierre Godard à traverser toutes les activités déployées par le CDC, que ce soit en termes de saison, de festival, de partenariat et de formation. J’ai confié une carte blanche à Liz Santoro dans le dernier festival June Events, pour aller plus loin dans la logique de partage que les attendus, et bien faire participer la compagnie à notre projet y compris de programmation. » Pour ce faire, c’est une enveloppe de 45 000 euros par an que l’Etat verse au lieu à destination du projet et des actions de la compagnie. Avec cependant une préconisation qu’il a fait largement entendre : celle d’aider à l’émergence, et de prêter attention à la parité. Alban Richard, directeur du CCN de Caen en Normandie, a fait le choix de partager l’enveloppe et d’accueillir deux artistes associés, Mélanie Perrier et Ola Maciejewska, jouant de la souplesse du cadre pour mieux répondre aux besoins des compagnies et à son propre projet pour le CCN : « J’ai basé mon projet sur cette idée de fabrique de création et de partage de l’outil. En fonction du projet, il y a vraiment la possibilité d’inventer la présence de ces artistes associés. Aussi, c’était important pour moi de pouvoir montrer la diversité des esthétiques sur le territoire normand ». Un minimum de huit semaines de présence en studio est requis pour la compagnie, ce qui limite le dispositif aux CCN les mieux lotis en termes d’espaces de répétition. En effet, il ne faut pas négliger l’existant, à savoir le dispositif d’accueil-studio (lui aussi renforcé financièrement), et le temps de studio nécessaire à la compagnie du directeur ou de la directrice, qui doit elle-même créer et répéter. Ce sont là les limites effectives du partage.
Une richesse pour les territoires à développer
Au Ballet National de Marseille, Eric Minh Cuong Castaing bénéficie d’un accueil extrêmement porteur pour son projet : « Quand Emio Greco et Peter Scholten m’ont demandé d’être artiste associé, c’était vraiment pour moi l’idée d’aller sur un territoire. Nous sommes d’Ile-de-France, on a donc déplacé notre structure, pour être dans l’outil du ballet, c’est-à-dire avoir un bureau, des studios de manière permanente, une équipe technique et une équipe de production à notre écoute voire à notre disposition, et aussi pour partager la vision du ballet ». La question de la structuration de la compagnie permise par ce dispositif n’est pas un vain mot, puisque qu’une partie des fonds a été dédiée à l’embauche d’une personne chargée du développement. La spécificité du territoire a tout de suite été considérée comme une ressource pour alimenter son projet : « Cela a pris un grand sens pour nous de venir à Marseille, puisqu’on a pu être en discussion directement et en continu avec des partenaires. Mes projets, en lien avec la science, la technologie, ou la participation de communautés, prennent du temps. On ne pouvait plus penser notre structure comme une compagnie traditionnelle aidée au projet et avec des pièces qui tournent selon un certain modèle économique. Aujourd’hui, on peut créer des partenariats qui pourront nourrir, soit artistiquement, soit institutionnellement, ou économiquement, notre travail ». Du temps, des moyens, et un accompagnement… Qui dit mieux ? Il est encore trop tôt pour dresser un bilan, mais tous les acteurs s’accordent sur les bienfaits de cette nouvelle mesure, qu’ils espèrent pérenne. On peut cependant regretter qu’une si bonne idée soit circonscrite aux seuls CDC et CCN, qui ne sont pas les seuls à œuvrer pour la danse, comme le rappelle Alban Richard : « C’est un appel d’air, un vrai changement. Ce dispositif pour la danse, au regard du manque de diffusion et de production, mériterait d’être proposé aux scènes conventionnées et aux scènes nationales qui le souhaitent ». Voici en tout cas une mesure qui fédère à la fois les compagnies et les lieux, et qui pourrait devenir le levier indispensable pour le développement de la danse, son ancrage dans les territoires et au sein même du corps social.
Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Kid Birds / School of moon / 7evendu mercredi 22 mars 2017 au dimanche 25 juin 2017
Kid Birds - installation vidéo d’Eric Minh Cuong Castaing, du 22 au 26 mars à la MAC de Créteil, en partenariat avec l’Opéra de Paris, du 9 au 23 avril à la commanderie des Templiers d'Elancourt, en partenariat avec Le Prisme CDC Saint Quentin-en-Yvelines.
School of moon – pièce avec des enfants & robots d’Eric Minh Cuong Castaing, 29 avril / 27 mai / 10 juin, performance au Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris.
7even, commande du BNM à 7 chorégraphes dont Eric Minh Cuong Castaing, création du 23 au 25 juin au Festival de Marseille.