Le Cirque contemporain en France
Aléas # 1, 2, 3
Fondation BNP Paribas : 15 ans d’engagement auprès des Arts du Cirque / Aléas # 1, 2, 3 / Création / chor. Chloé Moglia
Publié le 11 novembre 2014La Ligne, Suspensives et Tracé : Chloé Moglia crée une suite de formes explorant l’art de la suspension. C’est Aléas, un « chemin traversant différents paysages » et envisageant différentes formes de verticalités.
Quel rapport au monde tentez-vous d’éclairer à travers votre travail et, plus particulièrement, à travers Aléas ?
Chloé Moglia : Il ne s’agit pas d’éclairer un type de rapport particulier avec le monde, car étant une infime part du monde, il n’y pas de rapport, il y a le monde, nous y compris. Je profite de l’espace et du temps que propose le cadre spectaculaire d’Aléas pour y laisser se déployer une part du monde, pour l’éprouver au travers de la suspension, qui nous met au contact de certaines données sensibles : le poids, la résistance du corps, la gravité, la masse, le temps. Je regarde également ce que l’on sait de ces données d’un point de vue scientifique, ce qu’on en dit d’un point de vue philosophique et j’observe l’écart éventuel avec le « feed-back sensoriel ». J’essaie d’aller vers une plus grande connaissance par contact, par frottement, par imbibition, en me laissant altérer par ce qui, finalement, revient à une sorte de mise à l’épreuve. Le spectaculaire vise alors à travailler dans une grande ouverture, sans rien cacher de ce qui advient dans l’ici et le maintenant, pour étendre ces contacts, frottements, imbibitions à l’ensemble de la communauté rassemblée.
De quoi se compose chaque volet de ce triptyque ?
Ch. M. : Initialement pensé comme un triptyque, il m’apparaît que ces trois formes, finalement, n’en font qu’une, plurielle : Aléas. Comme un chemin traversant différents paysages, Aléas traverse – ou nous fait traverser – plusieurs espaces. Différentes verticalités incarnées par une diversité de femmes laissant apparaître autant de modalités de résistance ou d’abandon.
« L’exploration d’une infime bribe d’espace temps, dans ce que la suspension va laisser émerger. »
Quels rapports (d’exploration, d’approfondissement, de contrepoint…) avez-vous voulu établir entre ces trois formes ?
Ch. M. : C’est donc une suite plutôt que trois morceaux, et l’exploration est le mot qui convient le mieux. L’exploration d’une infime bribe d’espace temps, dans ce que la suspension portée par les singularités de ces six femmes va laisser émerger.
Quel regard spécifique portez-vous sur l’art de la suspension ?
Ch. M. : La suspension est une bien étrange pratique : lorsqu’on a réduit le trapèze à sa plus simple expression, on reste simplement suspendu, et ça dure. L’art est ici une technique, un savoir faire, qui, à première vue, consiste simplement à serrer fortement la poigne autour d’un fin cylindre d’acier, le corps pendant en dessous. Or, très vite, on remarque la nécessité d’être conjointement en capacité d’observer attentivement ce que produit cette situation incongrue d’être suspendu. Et c’est dans cette durée, justement, dans ce laps de temps vide et intense, que se produit une multitude de phénomènes. Et de là les questions, jusqu’aux plus silencieuses, adviennent physiquement et font bouger nos lignes. D’ailleurs, qu’est-ce que le temps ? De quoi le vide est-il vide ? Et de quel vide, enfin, serait-il plein ?
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
Aléas # 1, 2, 3du mercredi 5 novembre 2014 au samedi 7 février 2015
Création d’Aléas #1, 2 : La Ligne / Suspensives du 5 au 8 novembre 2014 au Théâtre Le Grand Logis-Bruz, dans le cadre du Festival Mettre en Scène. Création d’Aléas #1, 2, 3 : La Ligne / Suspensives / Tracé du 5 au 7 février 2015 au Théâtre du Merlan, à Marseille, dans le cadre de la Biennale internationale des arts du cirque - Provence Alpes Côtes d’Azur.