Laurent Vacher met en musique et en voix la poésie balbutiante et bégayante de Ghérasim Luca, déstructurée et syncopée, et fait danser ses onomatopées stellaires, joyeuses et angoissées.
Surréaliste né en Roumanie qui avait fait du français, selon le mot de Deleuze « sa langue à soi comme un étranger », Ghérasim Luca invente le langage comme on invente un trésor, dans le prodigieux bégaiement et la répétition obsédante de la syllabe, et recompose le sens du monde à partir des juxtapositions, des crases et des rencontres presque hasardeuses d’une glaise verbale devenue matériau quasi musical. Confiant à Johann Riche le soin de dialoguer à l’accordéon avec cette poésie à la fois abstraite et sensuelle dite par Alain Fromager, Laurent Vacher met en scène cette parole à bout de souffle et de sens, dont les envolées métaphysiques, les fulgurances humoristiques et les élans d’une tendresse bouleversante composent un spectacle pyrotechnique captivant. La voix et la musique cheminent de concert, la mélodie console le cri, les mots plaisantent avec les notes et de l’ivresse inspirée d’un dire écorché surgit la fascinante beauté des choses.
Catherine Robert
Héros-Limite, de Ghérasim Luca ; poèmes mis en scène par Laurent Vacher. Du 21 au 25 mai 2008. Du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 15h. Dans le cadre du Festival Jeune Création à la Maison de la Poésie, passage Molière, 157, rue Saint-Martin, 75003 Paris. Réservations au 01 44 54 53 00.