La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hernani

Hernani - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : DR Légende photo : Margaux Eskenazi met en scène un Hernani fougueux.

Publié le 10 mai 2012 - N° 198

Margaux Eskenazi met en scène les jeunes comédiens de la compagnie Nova dans un Hernani fougueux et sensuel, qui se revendique de l’élan vital romantique et de ses excès révolutionnaires.

Avant d’être le monarque le plus puissant de son temps, pétrifié par la gloire et confit dans la piété, Charles Quint fut un jouvenceau sautillant, fin bretteur et amateur de chair fraîche. Tel l’imagine le jeune Hugo quand il écrit Hernani et ne sait pas encore que le Panthéon sera son Escurial. Symbole du combat entre les Anciens et les Modernes, ralliés au gilet rouge de Théophile Gautier et à la crinière flamboyante du mulâtre Dumas, Hernani est un manifeste autant qu’un brûlot, un « vent révolutionnaire » renversant « les bataillons d’alexandrins carrés ». Margaux Eskenazi se réclame de ce souffle tempétueux en mettant en scène Hernani avec l’impétuosité et la générosité virevoltantes qui sont les marques et l’excuse de la jeunesse. Doña Sol et Hernani se goinfrent de fraises Tagada, comme des enfants, avant l’ivresse fatale de leur dernière rasade empoisonnée ; le roi et le brigand s’empoignent comme des collégiens colériques et ferraillent sur scène avec énergie ; Don Carlos escalade en équilibriste le tombeau de Charlemagne ; les amants s’accolent fougueusement dans les draps et les rideaux ; Don Ruy Gomez dévore un poulet entier avec l’appétit qui devait être celui des membres du Cénacle réunis autour du bouillonnant Hugo.

La jeunesse dans tous ses états

Dans un décor minimaliste, qui laisse la place aux corps pour exprimer la colère, la passion et le désir qui animent les personnages du drame, les comédiens ne ménagent pas leurs effets et s’emparent hardiment de la partition hugolienne. L’hommage au maître joue du clin d’œil (projection des portraits croqués par sa plume alerte pour illustrer la généalogie glorieuse des Silva) et des effets de contraste entre sublime et grotesque (aristocrate espagnole à l’allure enfantine et aux barrettes dans les cheveux ; Hernani osant un petit pas de deux dans la victoire ; Carlos dépoitraillé dans le défi ; rock and roll de Nawel Ben Kraïem couvrant les alexandrins). L’ensemble compose un spectacle à l’enthousiasme indéniable, servi par des comédiens qui n’économisent ni leur vitalité, ni leur ardeur.

 

Catherine Robert


Hernani, de Victor Hugo ; mise en scène de Margaux Eskenazi. Du 20 avril au 3 juin 2012. Du mercredi au samedi à 21h ; le dimanche à 17h. Théâtre de Belleville, 94, rue du Faubourg-du-Temple, 75011 Paris. Tél : 01 48 06 72 34. Durée : 1h45.

A propos de l'événement


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