La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Guy Delamotte

Guy Delamotte - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mars 2009

L’affiche : porter à la scène le conflit israélo-palestinien

Guy Delamotte, co-directeur du Panta-Théâtre avec Véro Dahuron, convoque la parole théâtrale pour rendre compte du conflit israélo-palestinien, en mettant en scène un texte de Philippe Ducros, L’Affiche.

« Le texte essaie de montrer comment à l’intérieur de la famille israélienne ou palestinienne, le conflit se répercute, divise et détruit les relations entre les gens. »
 
Comment est né ce texte de Philippe Ducros ?
 
Guy Delamotte : L’histoire a démarré il y longtemps. Nous avions fait un premier travail en 2002 avec Laurent Gaudé autour du conflit israélo-palestinien, dans le cadre de nos laboratoires Ecrire et mettre en scène aujourd’hui. La même année, je me suis retrouvé embarqué dans un voyage éprouvant en Israël et dans les territoires palestiniens, avec un groupe de militants juifs, chrétiens, musulmans et athées dans le cadre des comités civiques pour la protection du peuple palestinien. Nous avons rencontré des négociateurs de Madrid, Arafat, des leaders israéliens comme Uri Avnery… C’était très intéressant. Souvent sur les plateaux de théâtre on fait joujou avec la guerre, être plongé dans ce monde a été un choc. On se demandait comment rendre compte de tout ça, de cette déchirure. Suite à ce voyage, on a décidé avec Véro Dahuron qui dirige aussi la compagnie de réunir une équipe d’acteurs et de convoquer deux auteurs sur ce sujet. Mohamed Kacimi a alors écrit Terre sainte et Philippe Ducros avait déjà un projet d’écriture sur la question suite à un voyage d’auteur d’Ecritures Vagabondes en Syrie, il a profité de ce laboratoire de travail pour répondre à deux commandes en une. Nous avons décidé de mettre en chantier le texte grâce à Valérie Baran du Tarmac, qui a adhéré très vite au projet. Le Centre Dramatique Régional de Rouen aussi nous a soutenus.
 
Quelle est la place du théâtre par rapport à une actualité aussi brûlante, en permanence nourrie par l’information ? 
 
Il s’agit de parler, d’essayer de comprendre, de venir à la table soit du banquet soit de la négociation, et de faire émerger de cette table des histoires privées qui croisent les drames nationaux des deux peuples, sans être dans une identification absolue de ce qu’on peut attendre du peuple israélien ou palestinien. Montrer un checkpoint sur un plateau de théâtre n’a pas d’intérêt. Il est plus intéressant de travailler sur le déchirement de chacun avec lui-même. Le mur qui s’élève pour séparer les deux communautés, pour tenter de se protéger et d’isoler l’autre, est aussi un mur qui s’élève à l’intérieur de chacun, qui le divise entre sa nécessité d’aller à la rencontre de l’autre et l’aveuglement qui fait qu’on se détourne de l’autre, on ne veut pas le voir. Il devient alors impossible de penser la solution en termes politiques.
 
Que raconte le texte et quelles perspectives dessine-t-il ?
 
Un jeune palestinien a été tué par un soldat israélien lors d’un contrôle qui a mal tourné ou d’une émeute. La pièce montre comment la famille palestinienne vit la mort de cet enfant, à travers le père qui est imprimeur et qui imprime les affiches de “martyrs“, la mère qui ne peut pardonner et reste sur des imprécations, l’impossibilité de voir son enfant disparaître comme ça, et une sœur qui admire les actes de son frère et vit une histoire amoureuse qui va l’entraîner vers un extrémisme violent. On montre aussi la famille israélienne de ce jeune qui a tiré par peur plus que par haine, il vient de réaliser qu’étant militaire, il pouvait être amené à tuer des hommes. C’est pour lui incompréhensible, et cela met en doute ses certitudes. Il s’adresse à un rabbin qui ne lui apporte que des réponses formatées de justification. De l’autre côté, la famille palestinienne est confrontée à des mouvements ultra-religieux qui profitent de cet univers et des morts et poussent les jeunes vers le martyr. Même si ce n’est pas une guerre de religion, le fanatisme obscurcit les visions et les analyses politiques. Le texte essaie de montrer comment à l’intérieur de la famille israélienne ou palestinienne, le conflit se répercute, divise et détruit les relations entre les gens, voire entre les couples, et pervertit la société.

Propos recueillis par Agnès Santi


L’Affiche de Philippe Ducros, mise en scène Guy Delamotte, du 2 au 6 et du 12 au 14 mars au Panta-Théâtre à Caen. Tél : 02 31 85 15 07. Le 10 mars au Théâtre de Coutances. Tél : 02 33 76 78 68. Les 26, 27 et 28 mars au CDR Haute-Normandie, Théâtre des 2 Rives, à Rouen. Tél : 02 35 70 22 82. En octobre 2009 au Tarmac de la Villette. 

A propos de l'événement

Région / Caen

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