La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Giordano Bruno, le souper des cendres, adaptation et mise en scène Laurent Vacher, musique Philippe Thibault et Clément Landais

Giordano Bruno, le souper des cendres, adaptation et mise en scène Laurent Vacher, musique Philippe Thibault et Clément Landais - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Reine Blanche
Laurent Vacher © Christophe Raynaud de Lage

d’après les textes de Giordano Bruno / adaptation et mise en scène Laurent Vacher / musique Philippe Thibault et Clément Landais

Publié le 27 octobre 2021 - N° 293

Plus de vingt ans après Des signes des temps, remarquable spectacle dans lequel Laurent Vacher explorait l’œuvre et la personnalité complexe de Giordano Bruno, il le retrouve pour un plaidoyer contre l’intolérance et l’obscurantisme autour des derniers moments du martyr de l’infini.

Pourquoi Bruno ?

Laurent Vacher : Je chemine avec lui depuis l’an 2000. Je l’ai découvert grâce à l’astrophysicien Paul Felenbok et un article qu’avait écrit Jacques Attali à l’occasion de l’anniversaire de sa condamnation en 2000. Les Belles Lettres ont alors réédité ses œuvres complètes et je me suis plongé dans cette lecture absolument passionnante. Son œuvre a conforté ma passion pour la philosophie et la contemplation du ciel ! L’intuition de Bruno – à savoir le caractère infini de l’univers – naît de son observation de la nature, des phénomènes les plus anodins, de la proximité apparente des bateaux pourtant très éloignés les uns des autres dans la baie de Naples. Si deux bateaux dont on connaît la distance qui les sépare paraissent proches vus de la côte quand ils sont à l’horizon, n’en est-il pas de même pour les étoiles ? La plus brillante est-elle la plus proche ou la plus grosse ? Extraordinaire aussi le fait que ce soit dans la lecture des philosophes et des religieux, notamment Nicolas de Cues, que Bruno puise cette intuition, attestant par là que la religion peut être une matière à penser plutôt qu’un dogme mal utilisé, ce pourquoi il défend une religion universelle dépouillée de tout dogmatisme. J’avais retracé son destin hors normes dans Des signes des temps. Le spectacle avait été écrit pour l’Observatoire de Nice et le Muséum. Mais nous l’avons joué plus de cent fois, notamment à l’Observatoire de Paris.

 « Je ne voulais pas raconter Bruno comme un surhomme. »

Comment l’avez-vous retrouvé ?

L.V. : Il y a deux ou trois ans, une prof de français du lycée de Metz m’a proposé de le remonter pour que ses élèves puissent le voir ! Évidemment c’était impossible, mais je lui ai proposé de travailler avec ses élèves et ça m’a donné envie de retrouver Bruno, et particulièrement celui des derniers jours. Quand on voit sa statue à Rome, sur le Campo de Fiori, on a l’impression d’une espèce de surhomme. Mais sur les gravures qui le représentent, on voit un petit freluquet. Qui était cet homme ? Comment a-t-il pu choisir de préférer être condamné à mort plutôt que de renier ses idées ? A partir du Souper des cendres, j’ai imaginé comment il avait construit son ultime plaidoirie pour choisir la condamnation à mort. J’ai repris des choses de son enfance, de ses observations pour trouver comment le philosophe était né et ce qui l’avait conduit à ce sublime discours sur l’infini.

Pourquoi un seul comédien et une contrebasse ?

L.V. : Un seul comédien parce que c’est Benoit Di Marco et un contrebassiste pour la musique qui permet d’exprimer ce que les mots n’arrivent pas à dire. Je ne voulais pas raconter Bruno comme un surhomme. Je crois qu’il a eu peur en prison et je voulais que la musique amène cela et toutes les autres émotions. J’ai fait beaucoup de créations avec Benoit mais depuis plusieurs années, nous n’avions pas travaillé ensemble. Quand s’est posée la question de qui porterait cette parole, je me suis souvenu de sa passion pour la philosophie et la science. C’est un comédien à la fois impétueux et en même temps très posé, réfléchi, enflammé et concentré sur sa pensée. Il s’approprie la parole et la pensée de Bruno mais ne l’incarne pas. Regarder loin, comprendre qu’on appartient à un grand tout, l’explorer avec force : voilà ce qui manque aussi cruellement à notre époque…

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Giordano Bruno, le souper des cendres, adaptation et mise en scène Laurent Vacher, musique Philippe Thibault et Clément Landais
du samedi 20 novembre 2021 au samedi 15 janvier 2022
Théâtre de la Reine Blanche
2bis, passage Ruelle, 75018 Paris

Mardi, jeudi et samedi à 19h. Tél. : 01 40 05 06 96.

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