Enfermées
La metteure en scène Magali Léris crée [...]
Fiction futuriste, esthétique d’inspiration asiatique et interrogation sociétale : Gildas Milin imagine les aventures d’un gang de personnes âgées devenues délinquantes dans l’espoir de finir en prison.
« Tout a commencé il y a quatre ou cinq ans, dans l’association Sans cible, créée avec Alain Françon et d’autres, pour laquelle nous avions invité Raoul-Marc Jennar, contradicteur du président de l’OMC, Pascal Lamy. Jennar nous avait expliqué le projet de libéraliser et de privatiser l’ensemble des services publics. A terme, en 2025, tout le tertiaire serait libéralisé, et le secteur de l’intermittence était évidemment concerné. A l’époque, j’avais créé un spectacle avec les élèves du TNS sur le thème de l’humain devenu élément superflu dans le flux des échanges commerciaux, les lois fondamentales de l’homme étant écrasées au profit des lois du commerce, désormais seules à même d’exercer des sanctions et devenues uniques instances de décision et de contrôle. Je sentais la nécessité de parler d’économie, mais il n’est pas simple de le faire au théâtre.
L’humain, superflu dans le super flux économique
J’ai donc choisi un effet secondaire de cette politique qui vaille comme symptôme visible du fait que l’humain est devenu une valeur ajustable et superflue. J’ai choisi de m’inspirer d’un phénomène commencé au Japon, pays où la courbe de vieillissement de la population est la plus accélérée au monde. Entre 1985 et 2005, le nombre de seniors, au Japon, a été multiplié par deux, le nombre de leurs crimes a été multiplié par sept, et ils représentent aujourd’hui 25% de la population carcérale de ce pays. Aux yeux de ces seniors, la prison est devenue une sorte d’Eldorado social, permettant d’être nourri, soigné, pris en charge gratuitement. J’ai donc décidé d’écrire une fiction poussant ce phénomène à l’extrême, un peu comme chez Edward Bond, et qui soit en même temps une comédie. Les personnages de Toboggan essaient de tuer sans vraiment y arriver, car ils sont victimes des problèmes de la grande vieillesse. Ils finissent donc par attaquer une banque et se font presque tous tuer par une milice privée. Depuis la création du spectacle, il y a un an, certains rôles ont été repris, et à mesure des représentations, nous avons compressé le spectacle. Sa dimension comique s’est accrue avec le temps : c’est un spectacle très violent, mais le rire, la distance et l’écart ont fini par en alléger la gravité. »
Catherine Robert