La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Frères sorcières d’Antoine Volodine, mis en scène par Joris Mathieu

Frères sorcières d’Antoine Volodine,  mis en scène par Joris Mathieu - Critique sortie Théâtre Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
© Nicolas Boudier Frères sorcières

d’Antoine Volodine / mes Joris Mathieu

Publié le 27 mars 2019 - N° 275

Pour mettre en images le fascinant Frères sorcières d’Antoine Volodine, Joris Mathieu déploie avec sa compagnie Haut et Court tout son art de la rencontre entre techniques d’hier et d’aujourd’hui. Entre hyperréalisme et illusion.

Entre les comédiens de la compagnie Haut et Court et leurs spectateurs, il y a toujours au moins un écran. Parfois plusieurs, qui au lieu de canaliser la pensée vers un point précis lui offrent une infinité de lignes de fuite. Créé la saison dernière à Lyon au Théâtre Nouvelle Génération (TNG) dirigé depuis 2015 par Joris Mathieu, Frères sorcières ne fait pas exception. C’est en effet dans un dispositif de cadres-gigognes que le metteur en scène donne vie au texte qu’Antoine Volodine lui a offert avant sa publication au Seuil en début d’année. Dans des sortes de castelets géants, ou de théâtres dans le théâtre, qui donnent aux quatre comédiens – Philippe Chareyron, Vincent Hermano, Rémi Rauzier Marion Talotti, tous compagnons de longue date de Joris Mathieu -, de même qu’au scénographe Nicolas Boudier – la possibilité d’explorer divers registres de présence. L’univers de l’auteur qui chemine avec la compagnie depuis de nombreuses années se prête à ce type d’expérience. Source de nombreuses dystopies, signées sous divers hétéronymes et peuplées de créatures contraintes à des traversées sans fin, son « post-exotisme » appelle à l’invention visuelle et scénographique. Les écrans de Frères sorcières sont à la hauteur. S’y affichent les limbes d’une grande et belle singularité avec une lenteur, une poésie d’un crépuscule qui n’est pas vraiment d’ici. Sans être tout à fait d’ailleurs.

Voyage aux frontières du visible

C’est dans le dernier des cadres, le plus lointain, qu’apparaît l’étrange héros de Frères sorcières. Un immortel forcé de s’incarner dans différents corps. Prisonnier d’une errance à travers les siècles. Au centre d’un cercle délimité par des têtes de femmes plantées sur des piquets, Rémi Rauzier, qui prête sa robuste carrure au voyageur éternel, est d’abord une lueur qui danse dans l’obscurité. Les images de Joris Mathieu se méritent. Il faut les attendre. Les construire mentalement avant que leurs contours ne se précisent, détruisant souvent ce qui a été bâti en pensée. Car, à l’instar du protagoniste de Volodine qui est un en même temps que multiple, le théâtre de Joris Mathieu est en mouvement perpétuel entre des formes variées. Nourri par des emprunts à des cultures et techniques éloignées – autre point commun avec l’auteur de Frères sorcières, dont le monde est dénué de toutes frontières –, son Frères sorcières mêle nouvelles technologies, théâtre, marionnettes ou encore illusionnisme en une succession de tableaux d’une étonnante complexité. Avec cette épopée pleine d’êtres sans repères, mais non sans un certain humour, le directeur du TNG marque une étape importante dans sa quête d’autres manières de faire et de partager le théâtre.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Frères sorcières d’Antoine Volodine, mis en scène par Joris Mathieu
du mardi 2 avril 2019 au vendredi 5 avril 2019
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
Place Jacques Brel, 78500 Sartrouville

les 2,3 et 5 à 20h30, le 4 à 19h30. Tél : 01 30 86 77 79. www.theatre-sartrouville.com. Vu au TNG-Vaise à Lyon.

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