La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Fêlures (le silence des hommes) de D’de Kabal

Fêlures (le silence des hommes) de D’de Kabal - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline
© Ariane Ruebrecht Fêlures, le silence des hommes

écriture et mes D’de Kabal

Publié le 27 mars 2019 - N° 275

Depuis plusieurs années, le slameur, poète, rappeur, écrivain et metteur en scène D’de Kabal mène une réflexion sur la construction du masculin. Il en partage les riches résultats dans Fêlures (le silence des hommes), sans s’attarder assez sur sa démarche. Sur ses ressorts intimes.

Dans un décor de salon bourgeois, design, Franco Mannara et Astrid Cathala vaquent à des activités silencieuses. Lui est souvent absorbé par un écran tactile où se succèdent des couleurs vives ; elle passe son temps à remplir des cahiers, à attendre on ne sait quoi sur un canapé. Lorsqu’ils se croisent, ils échangent un signe, toujours le même. Un simple doigt levé. Un doigt mécanique, à l’image de leurs voix lorsqu’ils échangent quelques mots sur leur quotidien bien réglé. Sans passion. Leur ballet répétitif, absurde, ouvre le spectacle. Puis tout au long de la pièce, il offre des respirations à D’de Kabal qui apparaît bientôt côté jardin et commence à déployer le mélange de slam, de poésie, de rap et de théâtre qu’il développe au sein de sa compagnie R.I.P.O.S.T.E. À l’ordre du jour : « le poids des prérequis qui pèsent sur les hommes, notamment sur les notions de désir, de sexualité, de consentement », lit-on sur la feuille de salle de La Colline où la pièce a été créée. Un riche programme, qui s’inscrit dans la continuité de deux démarches menées en parallèle : la création de L’Homme-Femme / Les Mécanismes invisibles (2015), premier volet d’une tétralogie sur les relations hommes-femmes, et une recherche menée de manière plus confidentielle. Au sein de « laboratoires de déconstruction et de redéfinition du masculin par l’Art et le sensible » qu’il a mis en place il y a plusieurs années afin de libérer une parole, une fragilité étouffée.

La tragédie du phallus

Face à la grande pauvreté lexicale et affective des rares paroles échangées côté cour, celles de D’de Kabal témoignent d’une pensée en mouvement. Elles traduisent un désir de faire exploser les cadres existants, aussi bien en matière de théâtre que de vécu. Critique virulente de l’« érecto-centrisme » portée par un lexique inspiré du vocabulaire d’autres luttes – féministes et décoloniales notamment –, Fêlures (le silence des hommes) peine toutefois à dire l’urgence, la douleur qui motive son verbe foisonnant. Sans transition, D’de Kabal alterne témoignage personnel, discours quasi-scientifique et poésie plus ou moins slamée sans jamais rendre compte de la démarche collective qui l’a nourri. Cela aurait pourtant pu apporter un peu de concret, un peu d’humain à cette création qui en manque d’autant plus que le sujet s’y prête. Les scènes de ménage interprétées par Astrid Cathala et Franco Mannara ne sont pas à la hauteur des mots inventifs de l’auteur et metteur en scène. Malgré quelques brefs et bienvenus passages musicaux, cette partition n’exprime guère davantage qu’une domination masculine classique. Elle aurait gagné à s’aventurer dans les zones les plus singulières de la quête de D’de Kabal : celle d’une tragédie du masculin. D’une fatigue causée par l’injonction-leitmotiv du spectacle, « Bande, ou meurs ».

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Fêlures (le silence des hommes) de D’de Kabal
du mercredi 20 mars 2019 au samedi 13 avril 2019
Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun 75020 Paris

Du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h30. Tel : 01 44 62 52 52.

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