La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2021 - Entretien

Fraternité, conte fantastique, de Caroline Guiela Nguyen

Fraternité, conte fantastique, de Caroline Guiela Nguyen - Critique sortie Avignon / 2021 Avignon
Caroline Guiela Nguyen © Manuel Braun

Entretien / Caroline Guiela Nguyen
La FabricA / texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen

Publié le 25 juin 2021 - N° 290

La nouvelle création de l’autrice et metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen déploie une vaste fiction sur la fraternité qui interroge notre rapport à l’avenir et au temps.

Après Saïgon en 2017, vous revenez à Avignon avec cette pièce qui constitue le deuxième volet d’un grand cycle sur la fraternité. Comment est né votre désir de travailler sur ce thème ?

Caroline Guiela Nguyen : Se poser la question de la fraternité, c’est se poser la question de demain. Les personnes que je convoque dans mon projet sont très éloignées géographiquement, socialement et spirituellement : l’une vient de Pondichéry, l’autre de Pantin, une autre encore du centre de Paris, elles ne côtoient ni les mêmes lieux ni les mêmes sphères. La question de la fraternité ne se pose pas seulement dans la fiction mais dans la fabrique même du récit. Avant de vouloir changer le monde, il faut d’abord se demander comment travailler au sein des groupes que l’on forme. Un des grands principes que je défends, c’est de pouvoir créer un territoire en commun et de la fiction.

« Le futur est archivé dans le présent. »

Quelle est l’histoire de votre conte fantastique et comment avez-vous sélectionné les comédiens professionnels et amateurs ?

C. G. N. : Il s’agit d’un monde où les êtres que l’on aime le plus se sont absentés, a priori pour l’éternité. Les spectateurs verront un centre de soin et de consolation où l’on vient pour partager cette blessure et se soigner. Concrètement, nous avons passé beaucoup de temps avec ma compagnie dans des lieux centrés sur la question du soin et de l’humain, comme le Rétablissement des liens familiaux, un organe de la Croix rouge qui aide les victimes de séparation involontaire, à cause d’un trajet migratoire par exemple, à retrouver des membres de leurs familles. Pendant deux ans, nous avons recruté des personnes qui parlent des langues différentes, ont des âges et des parcours différents. Au fur et à mesure se constitue un groupe, et tout à coup, ces rencontres créent du théâtre, de la parole, de la langue, du jeu.

Comme dans Saïgon, est-il question de transmission et de responsabilité avec ce que nos descendants auront à réparer et ce qui restera après nous ?

C. G. N. : Tout à fait. Pour Saïgon, j’aimais citer Walter Benjamin qui disait que le passé est archivé dans le présent. Pour Fraternité, c’est le futur qui est archivé dans le présent. Ce conte fantastique part du postulat un peu fou que nous sommes faits d’hier et de demain : comment des humains vont-ils panser les blessures de demain ? Si la solidarité se solde ici et maintenant, la fraternité peut se problématiser sur des générations. Le Rétablissement des liens familiaux recherche encore des proches séparés pendant la Seconde guerre mondiale alors que ces personnes sont mortes. Ce rapport au temps me bouleverse.

 

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Fraternité, conte fantastique
du mardi 6 juillet 2021 au mercredi 14 juillet 2021


à 15h, relâche le 10. Tél : 04 0 14 14 14. Durée : 3h30

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