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Focus -268-Centre Chorégraphique national de Nouvelle~Aquitaine en Pyrénées~Atlantique,

Une vie de danse, corps et âme

Une vie de danse, corps et âme - Critique sortie Danse Biarritz Centre Chorégraphique national de Nouvelle-Aquitaine en Pyrénées-Atlantique
© Johan Morin & Yocom légende : Thierry Malandain

Entretien Thierry Malandain

Publié le 31 août 2018 - N° 268

Malgré un remarquable parcours, à la fois en tant que créateur – plus de 80 œuvres à son actif ! -, et en tant que directeur de Centre Chorégraphique National, Thierry Malandain demeure toujours aussi humble et exigeant. Récit d’une histoire guidée par l’amour de la danse et la nécessité de créer…   

Depuis la création du Centre Chorégraphique National de Biarritz en 1998, comment avez-vous évolué en tant qu’artiste ?

Thierry Malandain : Je suis resté fidèle à mon attachement au vocabulaire classique, à la création née à partir de ce vocabulaire, très variée, adossée à des partitions musicales. Je crois qu’un artiste est intéressant lorsqu’il demeure fidèle à lui-même, à ses désirs et convictions. J’ai dansé de 9 à 59 ans ! Je n’ai jamais cherché à répondre aux attentes, à mettre au point des stratégies, à développer ma présence à Paris. On me l’a parfois reproché. C’est au travail que je dois le succès, qui ne s’est pas construit dans la facilité, mais plutôt dans les marges. J’ai bénéficié de soutiens institutionnels, ce qui compte dans un monde pyramidal, et du soutien de ceux qui m’entourent. Car nous sommes une vieille équipe. Notre première compagnie Temps Présent fut créée en 1986 à Elancourt avec huit danseurs, après avoir quitté le Ballet Théâtre Français de Nancy. Ce choix de la liberté nous a imposé un défi permanent et un travail colossal. Comme dans chaque vie il y a des hauts et des bas, mais nous nous serrons toujours les coudes. Aujourd’hui, le Ballet compte 22 danseurs permanents, et chaque saison une centaine de représentations sont programmées en France et à l’international. Les tournées sont nécessaires pour maintenir le Ballet dans son effectif actuel. Le diriger et l’animer, c’est un métier de lutte et de pression constante !

La présence du Ballet en France est-elle toujours aussi fragile ?

T. M. : A l’étranger s’affirme une vitalité dans tous les domaines d’expression de la danse, alors qu’en France, qui pourtant avec l’Italie a inventé le Ballet au XVIIème siècle, la place du Ballet comme genre théâtral s’est réduite. Aujourd’hui en France les chorégraphes qui créent à partir du vocabulaire classique sont rares. Quoiqu’on en dise, dans certaines maisons d’opéra, la danse demeure une discipline subalterne. Une telle situation est un désaveu de la danse. L’avènement de la nouvelle danse française dans les années 1980 a aussi contribué à cette relégation, car certains ont cru à tort que leurs difficultés venaient du classique. Lors des premières éditions du Concours chorégraphique international de Bagnolet (ndlr aujourd’hui Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis), la moitié du jury était pourtant composée de personnes issues de l’univers classique. Porter des jugements sur les uns ou les autres entraîne l’immobilisme et le cloisonnement. Les discours heureusement ont changé. Quant à la formation, si elle est satisfaisante à un haut niveau, elle manque d’exigence dans sa globalité. Ainsi, les modalités d’apprentissage de la danse dans les conservatoires de région permettent difficilement d’atteindre le haut niveau : les cours collectifs n’incitent pas à un travail régulier et technique. Certains talents très doués partent étudier à l’étranger, et il est aujourd’hui difficile de recruter de bons danseurs.

« Dans sa dimension conciliatrice et fédératrice la danse est politique. »

Quel est l’ancrage de la danse à Biarritz ?

T. M. : Nous y sommes installés depuis 20 ans, et notre audience y est très forte. Au fil du temps, notre implantation s’est consolidée. Nous avons développé un axe transfrontalier à travers une activité euro-régionale en partenariat avec Donostia /San Sebastian. Nous avons créé l’Accueil Studio, où nous accueillons des chorégraphes de toutes esthétiques, sans oublier les groupes de danses traditionnelles basques. Nous avons créé aussi un Pôle de coopération du Grand Sud Ouest en collaboration avec le Ballet du Capitole de Toulouse et le Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, au sein duquel nous avons initié un Concours de jeunes chorégraphes pour mettre en lumière les talents qui utilisent le langage classique. Et en septembre, le Festival Le Temps d’Aimer fait vivre toute la ville de Biarritz au rythme de la danse. Des groupes de danse basque dans les villages jusqu’aux grands événements – comme lorsque nous avons dansé devant 8000 personnes aux arènes de Bayonne -, la danse est au fil des saisons un facteur de cohésion, de brassage et de reconnaissance.

Le temps a joué pour vous en faveur de la danse : est-ce une satisfaction ?

T. M. : C’est vrai que le temps a permis au Ballet de s’affirmer et de connaître le succès. Mais je ne suis jamais satisfait, peut-être parce que je suis très atteint par l’état du monde qui ne permet pas d’être satisfait. Je suis un citoyen concerné par le politique, et dans sa dimension conciliatrice et fédératrice la danse est politique. Comme l’humour, l’art transcende toujours le désespoir. En 50 ans, je n’ai jamais arrêté la danse !

 

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Malandain Ballet Biarritz,
Centre Chorégraphique national de Nouvelle-Aquitaine en Pyrénées-Atlantique
Gare du Midi, 23 avenue Foch, 64200 Biarritz.

Tél : 05 59 24 67 19.

www.malandainballet.com

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