Focus -325-Au théâtre de Caen, diversité artistique et synergies créatrices
Une saison aux facettes multiples qui élargit l’horizon, rencontre avec Patrick Foll
Entretien
Publié le 24 septembre 2024 - N° 325La saison 2024-2025 au théâtre de Caen s’inscrit dans la dynamique initiée par Patrick Foll depuis plus de vingt ans. Le directeur de l’institution normande en révèle les axes structurants, entre exigences économiques et diversité artistique.
Comment avez-vous sélectionné les quatre opéras de la prochaine saison ?
Patrick Foll : La programmation lyrique s’articule autour de la dualité entre œuvres rares et grands titres du répertoire, tout en mettant en valeur les forces artistiques de la région Normandie et une ouverture internationale à l’échelle européenne. L’Uomo Femina est une résurrection scénique d’un ouvrage de Galuppi, initiée par Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique, basés à Rouen. Pour La Cerenentola, nous faisons venir l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Lorraine à Nancy, une maison avec laquelle nous avons un partenariat de longue date. Les Noces de Figaro est la sixième production que nous présentons avec Collegium 1704 : réalisée avec Brno et Bratislava, elle illustre le rayonnement européen du théâtre de Caen, et offre à notre public un Mozart avec un grand ensemble baroque tchèque. Quant aux Enfants terribles, c’est un spectacle qui vient du réseau de la co[opéra]tive, et qui souligne l’efficacité des synergies de coproduction. La mutualisation des équipes artistiques sur l’ensemble de la tournée, souvent sur une période resserrée, fait la force des projets avec des ensembles indépendants.
Quelles sont les nouveautés pour le chœur d’enfants associé au théâtre ?
P.F. : La Maîtrise, par son travail à la fois au Conservatoire et au théâtre, est l’un des acteurs importants de la vie musicale de Caen, et accueille cette saison une nouvelle cheffe de chœur, Camille Bourrouillou, qui vient de la Maîtrise de Radio France. Cette année, on crée un chœur avec des filles à partir du collège, pour faire pendant à la Maîtrise de garçons que nous avons. Pour les beaux yeux de Mathilde est le premier projet avec les deux formations. Le théâtre de Caen a passé commande à Edwin Baudo et Hervé Mestron d’un opéra participatif autour de l’épouse de Guillaume le Conquérant pour la célébration du millénaire de Caen en 2025. Mathilde de Flandres a fondé l’Abbaye aux dames, le grand monument religieux de la ville avec l’Abbaye aux hommes bâti par le duc de Normandie et roi d’Angleterre. Cette histoire médiévale, à travers l’épouse du souverain, s’inscrit dans la dynamique de créations d’œuvres pour diapason baroque.
Quelle place accordez-vous à la musique contemporaine ?
P.F : Thierry Pécou, compositeur en résidence dans notre théâtre et qui habite Caen, propose un programme franco-américain, Pulse, avec son ensemble Variances – le seul consacré à la musique contemporaine installé en Normandie – et avec l’ensemble Paramirabo, basé à Montréal. Squeak Boum est une pièce de Francesco Filidei pour deux interprètes, à la fois chanteurs et percussionnistes, mise en scène par Emily Wilson qui avait cosigné avec Jos Houben la création caennaise de Cupid and Death de Locke avec Correspondances. Le théâtre de Caen était également associé à Gennevilliers pour la création de Giordano Bruno, le premier opéra de Filidei.
« La mutualisation (…) fait la force des projets avec des ensembles indépendants. »
Pourquoi avoir voulu un temps fort autour de Haydn ?
P.F. : Il y a neuf ans, nous avions lancé avec le Quatuor Cambini le pari de la première intégrale des 68 quatuors de Haydn sur instruments d’époque. Julien Chauvin a imaginé un mini-festival pour clore le cycle. En trois jours, l’œuvre immense du compositeur, qui reste encore assez méconnue, est éclairée sous différents angles : en trio le vendredi, le versant symphonique et lyrique le samedi, avec des airs d’opéras rares, par le Concert de la Loge, et le dimanche la version pour quatuor des Sept dernières Paroles du Christ en Croix à l’église Notre-Dame de la Gloriette. Il y aura également des animations et des ateliers pour le public dans la salle et les Foyers : ce sera un moment de fête autour de Haydn.
Comment renouvelez-vous l’expérience musicale au théâtre de Caen ?
P.F : À côté de la grande salle avec ses 16 mètres d’ouverture de scène et ses 1060 places, les Foyers permettent de proposer au public d’autres rapports avec les interprètes, dans une proximité que l’on utilisait avant pour le jazz et les musiques du monde, et depuis quelques années pour le classique. En intégrant des intervenants extérieurs sur des thématiques diverses, l’intégrale des Quatuors de Haydn a été conçue comme une réinvention des salons de musique de l’époque, et contribue à élargir l’expérience du concert au-delà du rituel traditionnel.
Propos recueillis par Gilles Charlassier
A propos de l'événement
THEATRE DE CAEN135 boulevard Maréchal Leclerc, 14000 Caen.
Tél. : 02 31 30 48 00.