La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -225-Nouveau Théâtre de Montreuil

Une maison pour le théâtre musical

Une maison pour le théâtre musical - Critique sortie Théâtre Montreuil Nouveau Théâtre de Montreuil
© D. R.

Entretien / Mathieu Bauer

Publié le 29 octobre 2014 - N° 225

Mathieu Bauer, directeur du CDN de Montreuil, creuse la veine d’une harmonie foisonnante entre les arts.

« Inscrire dans ce théâtre ce genre hybride du théâtre musical. »

Comment caractériser ce temps fort ?

Mathieu Bauer : J’ai eu envie d’inscrire dans ce théâtre ce genre hybride du théâtre musical. Sa richesse se nourrit du mélange entre l’art lyrique, la musique contemporaine et toute la tradition née en Europe, et particulièrement dans l’Allemagne des années 20, partie aux Etats Unis, qui l’ont finalement cantonnée à la comédie musicale, alors que, fondamentalement, elle navigue entre toutes ces formes. Pour ma part, je m’inscris plutôt dans le grand écart entre musiques savantes improvisées et musiques populaires, avec, comme une passerelle, le travail de la langue. Je voulais dessiner un espace pour ce genre qui n’a pas véritablement de territoire ou de maison. J’espère aussi que ce Mesure pour mesure trouvera un écho dans la ville de Montreuil, en créant des partenariats avec d’autres structures.

Pouvez-vous présenter les différents spectacles de ce temps fort ?

M. B. : Macbeth, d’abord : l’adaptation de la pièce écossaise que signe Brett Bailey est aussi réussie que la brillante réduction de Fabrizio Cassol pour dix musiciens, un chœur de chanteurs sud-africains et trois chanteurs de Kinshasa. C’est une forme opératique iconoclaste et féroce qui nous a séduits par sa forme autant que par son sujet : la satire du néocolonialisme à travers la pièce de Shakespeare et l’opéra de Verdi. Fanny de Chaillé a écrit un texte sous forme de Gonzo (un récit de ses impressions à la première personne), une déclaration d’amour au théâtre qui n’oublie pas que ses premières amours ont été du côté du rock. Sur le plateau, une danseuse rejoue les gestes et les postures stéréotypés des chanteurs de rock. Anne Nguyen chorégraphie un bal surprenant, entre quintette de musique de chambre et hip-hop ! Enfin, nous nous associons au Théâtre de l’Echangeur, dont la programmation et l’énergie sont magnifiques, pour soutenir la création du nouveau spectacle d’Alexis Forestier.

Vous-même créez The Haunting Melody (La Mélodie fantôme).

M. B. : Tout est parti d’un de mes livres de chevet, Tubes, La Philosophie dans le juke-box, du musicologue Peter Szendy : un petit délice ! Szendy y analyse la manière dont les tubes nous hantent et nous renvoient à l’intime de notre histoire. J’ai lu ses autres bouquins. Il y aborde une notion peu abordée : celle de l’écoute, souvent assimilée à une passivité, du fait que les oreilles sont dépourvues de paupières. Peut-on partager une écoute ? Peut-on passer du temps à ne faire rien d’autre qu’écouter de la musique ? Szendy est un promeneur, un butineur. Il nous a amenés sur le territoire du cinéma. Comme j’avais revu La Nuit des morts-vivants et que j’ai une tendresse pour ces personnages de zombies, j’ai eu l’idée du contexte de cette digression sur l’écoute. Six personnages sont réunis pour réenregistrer la bande son de ce film. L’idée est de partir de la partition sonore (sons bruts, musique, tubes) pour convoquer quelques textes. La liberté d’écoute n’est pas du même ordre que la liberté de paroles : il y a aujourd’hui un appauvrissement de l’écoute, qu’a construit la dictature du sirupeux.

Vous reprenez et complétez également le travail commencé avec André Wilms.

M. B. : La version initiale était une forme de concert, autour du poème Ajax de Heiner Müller. Nous avons ajouté un texte, La Libération de Prométhée. Autant Ajax est un poème fragmenté plein d’images et d’idées,  nourri des obsessions mülleriennes sur l’Allemagne, l’Histoire, la tragédie, autant La Libération de Prométhée est une vraie histoire qui raconte la difficulté pour un peuple enchaîné de vivre sans ses chaînes. La référence à la chute du Mur est directe. Avec André Wilms, nous nous sommes régalés à ajouter des poèmes en anglais et en allemand, pour jouer sur la musicalité et la couleur des langues. Il n’y a pas de mise en scène à proprement parler. C’est plutôt une lecture concert. André Wilms investit le plateau de manière phénoménale ; il fait partie des acteurs qui savent travailler avec la musique et il adore ça.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Mesure pour mesure
du mercredi 5 novembre 2014 au samedi 14 février 2015
Nouveau Théâtre de Montreuil
10 Place Jean Jaurès, 93100 Montreuil, France

Centre dramatique national. Tél. : 01 48 70 48 90.

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