La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -291-Au uhéâtre de La Criée à Marseille, l'imaginaire en partage

Une maison de création et de proximité

Une maison de création et de proximité - Critique sortie  Marseille La Criée - Théâtre National de Marseille
Visuel Macha Makeïeff (© Gerard-Julien) : La metteuse en scène Macha Makeïeff, directrice du Théâtre de La Criée.

Entretien / Macha Makeïeff

Publié le 9 août 2021 - N° 291

Revendiquant notre droit absolu à voir notre imaginaire s’exprimer et rejoindre celui des artistes, Macha Makeïeff présente une programmation foisonnante : comme une revanche au destin mauvais de la crise sanitaire.

Quelle a été la vie de La Criée durant la crise sanitaire ?

Macha Makeïeff : Nous n’avons pas cessé de travailler, de créer, de répéter, de fabriquer des costumes, des décors, d’accompagner des artistes. Ceci, en poursuivant nos actions à l’extérieur de La Criée, puisque nous pouvions notamment aller vers les enfants, dans les écoles. Et puis, nous avons mis en place Rêvons au théâtre, un parcours d’ateliers de pratiques artistiques à destination des populations les plus précaires. Afin de répondre à la détresse des étudiants, nous avons aussi imaginé Le Quai des étudiants, un programme réunissant d’autres ateliers de pratique théâtrale et de connaissance des métiers de la scène, ainsi que des groupes de parole encadrés par des thérapeutes.

Vous avez aussi créé des Feuilletons sonores ?

M.M. : Oui, La Criée dispose d’un petit studio son qui permet de demander à des actrices et des acteurs de venir lire des textes. Ensuite, Sébastien Trouvé travaille en studio et crée des objets sonores de très grande qualité. Ces petits bijoux sont diffusés sur Radio Grenouille (ndlr, radio associative marseillaise) et podcastables sur le site du théâtre.

Toutes ces actions viennent réaffirmer votre volonté d’ouvrir toujours davantage La Criée à de nouveaux publics et, spécialement, aux publics les plus distants des pratiques culturelles…

M.M. : Exactement. C’est une chose très importante pour moi. Comme je le dis souvent, ce qui compte, ce sont les premières fois. Nous avons ainsi mis en place La Première fois… par la mer, un parcours de découverte du théâtre pour des enfants qui n’y sont jamais allés. On les retrouve à l’embarcadère du Mucem, puis on part pour une petite croisière lors de laquelle ils écoutent un conte musical. Arrivés à La Criée, ils prennent un goûter (ndlr, financé par le Fonds de dotation Compagnie Fruitière), avant d’assister pour la première fois à une représentation de théâtre. La Criée est faite pour eux, elle leur appartient. Je tiens absolument à ouvrir nos portes aux écoliers du quartier, qui peuvent aussi assister à La Criée TOUTCOURT, en collaboration avec le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, un dispositif proposant aux enfants de voir du cinéma dans un théâtre. Je crois beaucoup aux déplacements et aux croisements des arts.

« Je crois beaucoup aux déplacements et aux croisements des arts. »

Comment avez-vous élaboré cette nouvelle saison, entre reports et nouveaux projets ?

M.M. : Ça a été un véritable travail de jonglerie. Il a fallu faire, défaire, reconstruire, recommencer… Nous avons reporté un maximum de spectacles, tout en veillant à toujours donner du sens à notre programmation, car une saison ne peut être une simple juxtaposition de propositions. Nous présentons aussi de nombreux nouveaux projets. Comme toujours, j’ai voulu apporter un soutien indéfectible à la création, être fidèle aux artistes que nous accompagnons, faire en sorte que leurs parcours, aussi différents qu’ils soient, prennent corps sur les plateaux de La Criée. Ceci en veillant à ne jamais abandonner la fantaisie et l’intelligence.

Vous mettez vous-même en scène Le Tartuffe* de Molière…

M.M. : Oui, ce qui m’intéresse d’abord dans Tartuffe, c’est le mystère masculin. Qu’est-ce que la séduction ? Qu’est-ce qu’un prédateur ? Et puis, je me sens depuis toujours très proche du regard pasolinien. Or, quand on travaille sur Tartuffe, Théorème n’est jamais loin… Tartuffe est un envoyé qui révèle l’ambivalence de chaque personnage. Molière a écrit Dom Juan entre les deux versions de cette pièce. J’ai eu envie d’interroger la porosité que cette chronologie implique. Le Tartuffe ne parle que de théâtre, que de nous-mêmes regardant le théâtre. Il est question de voyeurisme, peut-être même d’échangisme, de tractations sociales, de choses terribles dont nous sommes les voyeurs.

Tout cela au sein de quelle esthétique ?

M.M. : Une esthétique qui peut faire penser à la fin des années 1950, époque où le destin des femmes était encore complètement bloqué par les impasses du patriarcat bourgeois. Les ponts avec notre actualité se font, je crois, extrêmement facilement.

Vous reprenez également Les Hadza Cueilleurs d’eau**, le quatrième volet du cycle de spectacles que vous avez imaginé avec l’ethnologue Philippe Geslin, ainsi que votre exposition Trouble Fête***

M.M. : Oui, j’ai recréé Trouble Fête, une installation pensée en écho à mon spectacle Lewis versus Alice, au Musée des Tapisseries d’Aix-en-Provence. J’aime beaucoup l’idée de raconter un même récit dans des espaces différents. Dans Les Hadza Cueilleurs d’eau, à travers une ethnographie du sensible, Philippe Geslin fait le récit d’un monde qui tient à la fois de la permanence et de la fragilité : celui de chasseurs-cueilleurs de Tanzanie qui vivent comme le faisaient leurs ancêtres, il y a des millénaires.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

 

* Du 3 au 26 novembre 2021. ** Du 8 au 12 mars 2022. *** Du 19 mai au 7 novembre 2021.

A propos de l'événement

Le Tartuffe
du mercredi 3 novembre 2021 au vendredi 26 novembre 2021
La Criée - Théâtre National de Marseille
30 quai de Rive Neuve, 13007 Marseille.

Les Hadza Cueilleurs d’eau : Du 8 au 12 mars 2022.

Trouble Fête : Du 19 mai au 7 novembre 2021.

Tél. 04 91 54 70 54.

www.theatre-lacriee.com

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