Serge Merlin, une musique singulière
Le comédien a porté les textes de Beckett, [...]
Focus -260-Nouveau théâtre de Montreuil
Le compositeur et directeur de La Muse en Circuit et le scénographe et vidéaste évoquent le processus de création.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous emparer d’Hamlet ?
Wilfried Wendling : Je n’avais aucune envie de mettre en musique l’ensemble de la pièce ni même d’en garder le déroulement d’ensemble, et j’ai porté mon attention sur les grands monologues, ces summums de poésie et de métaphysique. J’avais été marqué par quelques mises en scène de l’œuvre, en particulier celle de Patrice Chéreau, mais le déclic est venu de ma relecture d’Ubik de Philip K. Dick, qui m’a suggéré ce parti pris d’inversion où le spectre serait en fait le seul personnage vivant. Cette idée m’a semblée stimulante pour traiter de la mémoire, du temps, de l’archive – et du mythe théâtral lui-même.
« Serge Merlin est le souffle même du théâtre. » W. W.
Est-ce pour cette raison que vous avez choisi Serge Merlin, qui représente une certaine mémoire du théâtre ?
W. W.: Oui, pour moi, il incarne vraiment le théâtre dans sa dimension mythique. Il représente le théâtre, dans une forme d’éternité. Quand nous avons travaillé sur le texte, en partant de la version de François-Victor Hugo, puis lors des répétitions, Serge m’a proposé un vrai travail d’interprétation. Il va chercher très profond, dans ce questionnement du théâtre dans le théâtre dans le théâtre… Serge est le souffle même du théâtre.
Milosz Luczynski : Avec la vidéo, c’est la même idée : le mythe transpire des murs du théâtre et crée son propre espace. Les techniques d’aujourd’hui, comme la multidiffusion vidéo, permettent de faire surgir les spectres de différents endroits ; elles transforment la réalité physique, comme les « fantômes de Pepper » au 19e siècle. Mais on est aussi très près de l’esprit de la musique acousmatique : on ouvre un espace infini, qui fait oublier le lieu physique, l’espace clos de la représentation.
Pierre Henry, avec qui vous avez partagé la composition musicale, est lui-même un autre mythe.
W. W.: Bien sûr. Pour ce projet, je ne voulais pas me saisir seul de la musique. Tout de suite, j’ai pensé à Pierre Henry. Je le devinais hanté par Hamlet, même s’il ne l’avait curieusement jamais mis en musique. La liberté d’expression et l’irrévérence qu’il a toujours manifestées ont permis d’imaginer des directions que que je n’aurais pas osé emprunter seul, comme la « chanson d’Ophélie », très rock, qui nous conduit au bord de la folie.
« Le mythe transpire des murs du théâtre. » M. L.
Comment la musique s’est-elle articulée au travail d’écriture et d’interprétation ?
W. W.: Dans un aller-retour permanent. Notre chance est de travailler sur le très long terme : cela fait un an et demi que Serge et moi sommes embarqués dans cette aventure, avec ce matériau Hamlet. C’est aussi ce qui fait que le projet est appelé à évoluer. Au-delà de la forme créée à Perpignan et qui va tourner, on a envie de porter ce matériau vers d’autres dimensions, plastiques ou radiophoniques par exemple.
M. L. : Le travail s’est fait dans la continuité : un premier tournage avec Serge, une première maquette qu’on a testée sur le plateau, modifiée, remaniée. Travailler avec Wilfried est inspirant car il laisse vraiment intervenir tous les partenaires du projet. C’est passionnant de créer ensemble, d’échanger et de « penser Hamlet ».
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun
Nouveau théâtre de Montreuil,
10 place Jean Jaurès, 93100 Montreuil.
Les 7 et 8 décembre à 19h. Tél. : 01 48 70 48 90.
MAC, Place Salvador Allende, 94000 Créteil.
Les 13 et 14 décembre à 20h. Tél. : 01 45 13 19 19.