La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -336-Le théâtre de Caen, un creuset de rencontres artistiques

Un travail de fond avec les ensembles indépendants, rencontre avec Patrick Foll

Un travail de fond avec les ensembles indépendants, rencontre avec Patrick Foll - Critique sortie  Caen Théâtre de Caen.
Patrick Foll, directeur du théâtre de Caen C : Philippe Delval

Entretien

Publié le 21 septembre 2025 - N° 336

La saison 2025-2026 conclut le mandat de Patrick Foll au théâtre de Caen par une programmation attentive aux résonances contemporaines du répertoire. Cette fenêtre sur le monde, qui dialogue avec son territoire, s’exprime à travers une pluralité de formes qui font la part belle à la transdisciplinarité.

Quelle est la ligne directrice de la prochaine saison ?

Patrick Foll : Les trois opéras illustrent la puissance narrative de la musique, au-delà de la beauté des partitions. Orlando est une réflexion sur la passion amoureuse et la folie. La Bohème parle de la jeunesse et du passage à la vie d’adulte. Inspirée des Métamorphoses d’Ovide, La Calisto traite du mensonge au service d’un prédateur, Jupiter. Les résonances actuelles sont encore plus évidentes dans les quatre créations de théâtre musical de la saison. Plongée dans les cabarets berlinois au moment de la montée du nazisme, le projet de Samuel Hengebaert Musiques interdites, qui a pris une forme scénique grâce à la rencontre avec David Lescot, prend une acuité particulière à l’heure où reviennent les offensives de la censure. L’écho des tragédies de l’Histoire est également au cœur de L’Homme qui aimait les chiens, spectacle sur l’exil de Trotski avec deux familiers de la maison, Jean Deroyer et Jacques Osinski, sur un livret d’Agnès Jaoui. L’adaptation de L’Avare de Molière par Gasparini présenté par un autre fidèle, Vincent Dumestre, offre un regard mordant et comique sur les conflits générationnels. Pour les cinquante ans de la mort de Britten, le spectacle de la Maîtrise et de la Scuola de Caen autour de son opéra miniature The Golden Vanity fait résonner la révolte contre l’injustice.

« Notre territoire est un terreau pour de grands talents. »

Comment le travail avec la Maîtrise et la Scuola de Caen s’inscrit-il dans la durée ?

P.F. : Une intégration aussi forte entre un conservatoire et un théâtre est exceptionnelle. C’est l’héritage de mon prédécesseur, François-Xavier Hauville. Le cadre pédagogique est associé à une pratique artistique, avec des auditions publiques tous les samedis à l’église de Notre-Dame de la Gloriette, et un grand spectacle en fin de saison sur notre scène que j’ai instauré depuis 14 ans. Fondée en 1987, la Maîtrise, qui vient d’être invitée à la Philharmonie de Paris en début de saison, a aussi été un tremplin pour des chanteurs qui font carrière aujourd’hui. Pour le concert avec Sébastien Daucé et l’Ensemble Correspondances célébrant les 1000 ans de la ville de Caen, on retrouve deux anciens de la Maîtrise, Jean-Christophe Lanièce et Cyrille Dubois, aux côtés de Sabine Devielhe, qui a également étudié au Conservatoire de Caen. Notre territoire est un terreau pour de grands talents.

En quel sens le baroque place-t-il le théâtre de Caen au cœur du paysage musical ?

P.F. : Orlando a été un des premiers opéras joués par Les Arts Florissants à Caen, dans les années 1990. Plus de trente ans après Robert Carsen, Jeanne Desoubeaux, une autre artiste d’origine caennaise issue du parcours d’horaires aménagés de l’Éducation Nationale avec le Conservatoire, propose une nouvelle mise en scène qui vient d’être créée au Châtelet en janvier dernier. Pour ses dix ans à Caen, voir Correspondances dans la fosse de l’Archevêché pour La Calisto, que nous coproduisons, est une forme de récompense pour notre travail de fond avec les ensembles indépendants. Dans un temps fort autour de Venise, Vincent Dumestre et le Poème Harmonique reprennent le Carnaval Baroque, un spectacle retravaillé régulièrement depuis vingt ans, une durée de vie exceptionnelle qui illustre le souci du long terme. Les 4 saisons chorégraphiées par Mourad Merzouki, avec Julien Chauvin et Le Concert de la Loge, est un autre exemple de concert augmenté. Quant au programme Northern light autour de la musique baroque en Europe du Nord, avec Correspondances et Lucile Richardot, il montre qu’il reste des territoires à découvrir.

Quel rôle joue le théâtre de Caen dans le réseau de coproductions ?

P.F. : Les trois opéras et la comédie musicale Gypsy s’inscrivent dans notre réseau lyrique national et européen d’une dizaine d’institutions, qui compte aussi bien le Théâtre des Champs-Élysées et le Festival d’Aix-en-Provence que l’Opéra de Rennes ou les théâtres de la Ville de Luxembourg. Et c’est sur notre scène que sont créées les quatre coproductions de théâtre musical de cette saison, avec, en particulier, l’emblématique Musiques interdites. Le premier spectacle scénique de l’ensemble acte[six] est un nouvel exemple de ce que le théâtre de Caen peut initier comme rencontres artistiques.

 

Propos recueillis par Gilles Charlassier

A propos de l'événement

Théâtre de Caen.
135 Boulevard Maréchal-Leclerc, 14007 Caen

Tél. : 02 31 30 48 00

www.theatre.caen.fr

 

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