La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -228-Théâtre de l’Ouest Parisien

Un plaidoyer pour la création

Un plaidoyer pour la création - Critique sortie Théâtre Boulogne-Billancourt Théâtre de l’Ouest Parisien
Photo : Jean-Christophe Guerri et Clément Hervieu-Léger, interprètes des Cahiers de Nijinski.

Entretien Clément Hervieu-Léger

Publié le 26 décembre 2014 - N° 228

A l’origine du projet, Clément Hervieu-Léger interprète l’adaptation des Cahiers avec Jean-Christophe Guerri, ancien danseur de l’Opéra de Paris. 

Comment ce projet est-il né ?

Clément Hervieu-Léger : Les Cahiers de Nijinski font partie des textes qui comptent pour moi, depuis longtemps. De manière informelle, j’ai parlé de mon ambition de porter à la scène cette oeuvre à Brigitte Lefèvre, qui m’avait invité à travailler sur la dramaturgie du ballet La Source pour l’Opéra de Paris, et elle s’est engagée dans sa réalisation. Nous portons le projet à quatre, avec Daniel San Pedro et Jean-Christophe Guerri. Cette collaboration à la croisée de divers savoir-faire et méthodes m’oblige à bousculer toutes les manières de travailler que j’ai pu avoir jusqu’à maintenant, et c’est formidable ! J’ai commencé mon parcours artistique par la danse lorsque j’étais enfant, et j’ai toujours entretenu un rapport fort à cet art. Nijinski rédige ses cahiers au moment où il ne peut plus danser, et l’écriture est un moyen de continuer à éprouver le mouvement. Il se réalise par les mots, comme il s’est réalisé en scène.

« L’écriture est un moyen de continuer à éprouver le mouvement. »

Vous intéressez-vous au cas clinique de Nijinski ?

C. H.-L. : Les Cahiers mettent en lumière une forme de névrose, forte et violente, mais ce qui nous intéresse plus que le malade, c’est l’homme. Se confronter au texte oblige à s’approcher de sa logique intime, à s’efforcer de le comprendre, voire de l’aimer ! Il ne dit jamais “je pense“, mais toujours “je ressens“, n’est pas dans l’abstraction mais dans le ressenti. Et il se tient dans une extrême lucidité. Nijinski entretient une relation paradoxale à ses proches – ses professeurs de danse, Diaghilev, sa femme Romola… -, car ils lui ont à la fois permis de s’envoler et lui ont brisé les ailes. Il souhaite se défaire des liens qu’il a construits avec eux, tout en se sentant coupable de vouloir s’échapper. C’est un texte sur le déséquilibre, et chez Nijinski le déséquilibre mental et le déséquilibre physique ne font qu’un. Ses Cahiers sont un dernier geste de création artistique, un acte très fort et très beau, car il met tout l’homme et tout l’artiste dans ces pages.

Questionne-t-il la condition de l’artiste à travers ses Cahiers ?

C. H.-L. : Ce texte évoque la question de la transcendance de l’artiste et celle de l’incarnation, à travers notamment un dialogue concret avec une entité, Dieu. Les Cahiers racontent de manière singulière et forte les questionnements de l’artiste. La folie enclenche une parole débridée, les barrières de la bienséance tombent, et les mots donnent à voir et à entendre des interrogations métaphysiques profondes. C’est comme si cet inconscient de l’artiste, par essence enfoui, Nijinski le faisait affleurer. C’est violent, non ordonné, magistral et extrêmement émouvant. Ce texte est un appel et un plaidoyer pour la création et pour l’artiste absolument extraordinaire.

Entretien réalisé par Agnès Santi

A propos de l'événement

Les Cahiers de Nijinski
du jeudi 8 janvier 2015 au dimanche 18 janvier 2015
Théâtre de l’Ouest Parisien
1 Place Bernard Palissy, 92100 Boulogne-Billancourt, France

du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h. Tél : 01 46 03 60 44.

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