La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -236-Les Gémeaux ~ Scène Nationale, saison 2015/2016

Trilogie du Revoir

Trilogie du Revoir - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux - Scène Nationale
Crédit : Christophe Raynaud de Lage Légende : Trilogie du Revoir, création de Benjamin Porée.

De Botho Strauss / mes Benjamin Porée / Entretien Benjamin Porée

Publié le 21 septembre 2015 - N° 236

Accueillie en résidence de production aux Gémeaux pour quatre ans, la compagnie du jeune metteur en scène Benjamin Porée a présenté en juillet dernier au Festival d’Avignon Trilogie du revoir de Botho Strauss. Une première en Île-de-France. 

Comment la création de cette pièce en trois actes pour dix-sept personnages a-t-elle vu le   jour ?

Benjamin Porée : Quand  Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, m’a proposé de participer au Festival d’Avignon 2015, j’ai tout de suite pensé à Trilogie du revoir. Après Platonov, je voulais poursuivre le travail avec cette troupe, qui pendant trois ans m’a beaucoup donné. J’aime travailler avec de nombreux acteurs même si cela est devenu très difficile en production. Il faut s’efforcer de continuer à faire des propositions qui requièrent, comme c’est le cas pour Trilogie du revoir, seize comédiens sur le plateau. C’est un pari artistique et politique. Le théâtre des Gémeaux m’a fait confiance en m’accueillant en résidence de production et m’a permis de répéter dans la sérénité, en initiant une collaboration sur le long terme.  Travailler avec des gens vrais et fidèles donne beaucoup de bonheur. Poser les valises, ça allège !  Cela permet aussi de se concentrer sur l’essentiel, sur cette vibration du présent et du vivant offerte par le théâtre.

Comment comprenez-vous cette œuvre ?

B. P. : Trilogie du revoir est un tableau métamorphosé sous l’action de notre regard. Je souhaite qu’elle permette aux spectateurs de trouver le positionnement que nous invite à avoir Roland Barthes face à la photographie : « à moi de choisir, de soumettre son spectacle au code civilisé des illusions parfaites, ou d’affronter en elle le réveil de l’intraitable réalité ». En d’autres termes, cette pièce, qui met en scène un petit cercle de privilégiés venus découvrir en avant-première la nouvelle exposition d’un musée perdu dans la nature, organise de manière très organique une espèce de mise en abyme théâtrale, une théâtralité à la deuxième puissance qui dévoile le sens second de la réalité représentée. Cette pièce dont le sujet principal est la vision, la mimesis, la perception, renvoie le spectateur à son activité première : regarder, voir, revoir. Et donc à la révélation du sens. J’ai pendant toute la durée des répétitions gardé en tête cette phrase d’Anselm Kiefer : « Ne sommes-nous pas vous et moi, les spectateurs actifs et responsables de la réanimation de la vie restée figée dans l’oeuvre et qui opère à travers notre regard ». La pièce a donc quelque chose de très phénoménologique qui invite le spectateur, voyeur/voyant, à être acteur de ce qu’il voit, à entrer dans le tableau. A le re-voir. Chaque acte décline d’ailleurs ce revoir, qui est le verbe et l’action de la pièce. Revoir 1 : Ici on vend des douleurs. Revoir 2: La peinture des visages sans visages. Revoir 3 : Pour l’instant c’est supportable.

« Trilogie du revoir est un tableau métamorphosé sous l’action de notre regard»

La pièce a-t-elle aussi une portée politique ?

B. P. : Les thèmes abordés – ceux de l’idéal de vie, de la capacité à vivre au cœur d’une réalité victime d’un héritage non tenu, perverti et tributaire de la toute présence de l’économie – résonnent particulièrement aujourd’hui. Nous sommes comme les personnages de la pièce dans cette même crise née au milieu des années soixante-dix, au moment où Strauss écrit la pièce, et dont nous ne voyons toujours pas l’issue. La confrontation avec les tableaux mais aussi – et surtout – avec les autres révèle  la solitude et le désespoir  des individus. La langue de Strauss, très cinématographique, vivante, concrète, et en même temps très subtile et nuancée,  pleine d’esprit et d’humour, m’a  profondément intéressé. L’oeuvre, que je considère comme une sorte de photographie polarisée de notre société, a quelque chose de très complet. C’est rare.

Pour obtenir ce rendu d’un tableau vivant où le spectateur se fait acteur et l’acteur spectateur,  qu’avez-vous demandé aux comédiens ? 

B. P. : Nous avons réalisé un gros travail sur le hors-champ ; quand on n’est pas sur le plateau, ça joue quand même. J’ai aussi demandé aux acteurs de toujours donner à voir ce qu’ils étaient en train de penser, de faire vivre leurs monologues intérieurs. J’ai voulu qu’ils oublient leurs personnages pour devenir des personnes, avec la décontraction propre à celui qui ne joue pas un rôle, qui est celui qu’il incarne.  Nous avons aussi énormément travaillé sur le rythme, sur la gestuelle, en quête d’une précision requise par ce tableau vivant qui se compose et se décompose en temps réel.

 

Propos recueillis par Marie-Emmanuelle Galfré  

A propos de l'événement

Trilogie du Revoir
du mercredi 9 mars 2016 au dimanche 20 mars 2016
Les Gémeaux - Scène Nationale
49 Avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux, France

Du mercredi au samedi à 20h45, dimanche à 17h.

Tél : 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com

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