La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -202-La Comédie de l’Est

Tolérance, différence et solidarité

Tolérance, différence et solidarité - Critique sortie Théâtre Colmar La Comédie de l'Est
Crédit photo : DR

ENTRETIEN GUY PIERRE COULEAU

Publié le 1 octobre 2012 - N° 202

Le directeur de la Comédie de l’Est, installé depuis trois ans à Colmar, y continue son œuvre d’ouverture et de partage. En ouverture et en clôture de cette saison, il met en scène Brecht.

« Explorer d’autres langues, d’autres cultures, d’autres différences, pour mieux nous comprendre. »

Quoi de nouveau à la Comédie de l’Est cette saison ?

Guy Pierre Couleau : Cette saison est celle des retrouvailles avec le label CDN, que le Ministère nous accorde pour notre travail en termes de création, de rayonnement, de diffusion, de partage de l’outil, de pérennisation du volume des emplois artistiques. Le premier CDN a été installé en 1947 à Colmar. Il est devenu le TNS dans les années 70, et en 1985, le label CDR a été accordé au projet mené par Pierre Barrat. A partir de janvier 2013, l’Etat va donc augmenter sa part dans notre subvention. Cela va nous permettre de rendre la permanence artistique plus efficace, et notre troupe d’acteurs un peu plus concrète. Nous allons pouvoir créer les spectacles dans une économie meilleure, inviter d’autres artistes, et aller davantage vers les publics. Il s’agit d’aller plus loin avec un peu plus de moyens, avec un projet ambitieux et conséquent.

Ce projet est-il soutenu par le public ?

G. P. C. : Le nombre des abonnements a doublé depuis mon arrivée. Nous accueillons vingt mille spectateurs par saison, sans pouvoir faire plus, puisque nous sommes bloqués par notre jauge. Je suis reconduit dans ma mission jusqu’à fin 2015. Les trois premières années, j’ai structuré le projet, le rapport au public, l’équipe. Le deuxième mandat est marqué par une ouverture encore plus grande sur l’Europe, avec une circulation accrue des œuvres et des personnes. L’Europe de la culture existe depuis toujours, notamment dans ce bassin rhénan ; mais c’est à nous, artistes, de la construire aujourd’hui. Il s’agit aussi de passer les frontières dans tous les sens. C’est pour cela que j’ai invité IVT et le Centre dramatique de l’océan Indien. Explorer d’autres langues, d’autres cultures, d’autres différences, nous permet de mieux nous comprendre. Tolérance, différence et solidarité : voilà trois mots très importants, et souvent manquants, nécessaires et souvent galvaudés. Notre nécessité de CDN s’exprime beaucoup par ces mots.

Pourquoi ces deux partenariats avec IVT et le Centre dramatique de l’océan Indien ?

G. P. C. : Avec IVT, il s’agit d’explorer une autre langue et de faire comprendre la réalité de ce théâtre gestuel. Nous allons les inviter régulièrement et organiser des actions autour de leurs venues, comme des stages pour sourds, ou des ateliers de découverte de la langue des signes. Le 6 avril 2013, nous organiserons un grand entretien avec Emmanuelle Laborit, pour entendre son témoignage. Quant à Lolita Monga et aux artistes de l’océan Indien, les inviter permet non seulement de découvrir la réalité de ceux qui vivent dans l’hémisphère sud, mais aussi, dans les textes de Lolita, ce rêve brisé du paradis perdu, figure métaphorique de ce qui menace notre terre.

Pourquoi avoir choisi Brecht pour cette nouvelle création ?

G. P. C. : Après Camus et Sartre, je continue, avec Brecht, à explorer un théâtre de l’engagement, et plus particulièrement, avec cette pièce (écrite en 1940 en Finlande mais créée en 1948 à Zurich), le théâtre de l’après-guerre. Maître Puntila et son valet Matti est une comédie, revendiquée comme telle par Brecht qui recommandait de la jouer dans le registre farcesque. C’est la pièce qu’il a choisie pour fonder le Berliner Ensemble, en 1951, signant par elle son retour dans sa langue et son pays. Cette pièce n’est pas didactique, mais conjugue plutôt fable populaire et fable sur l’humain. Il y est question de la dualité (celle du maître et du valet d’abord), mais aussi de l’aliénation et du rapport au travail. Il y est aussi question des modalités de la prise de parole : comment parle-t-on, comme se tait-on ? C’est aussi une pièce qui présente quatre figures féminines très touchantes, qui sont les seules femmes libres et autonomes de l’œuvre de Brecht. Brecht est difficile à entendre aujourd’hui, tout simplement parce que nous connaissons la fin de l’Histoire ! Mais ce problème s’efface devant le plaisir de raconter une histoire : celle de Puntila et Matti, un homme fou, violent et ivre du pouvoir qu’il a, et son valet et chauffeur, homme libre qui conduit souterrainement les événements de la pièce. Cette création est coproduite par le Théâtre Firmin-Gémier –La Piscine, le théâtre d’Epinal,la Coupole de Saint-Louis et le Théâtre des Quartiers d’Ivry.

Brecht achève la saison après l’avoir ouverte.

G. P. C. : J’ai voulu faire une boucle. On finit en mai avec un cabaret Brecht chanté. Nolwenn Korbell est ma chanteuse préférée ! C’est une des plus belles voix de la chanson française et bretonne. Nous avons déjà travaillé ensemble trois fois, et je suis heureux de la retrouver. Les musiques de Weill et Dessau, savamment simples, me semblaient correspondre au côté rockeuse de Nolwenn ! Elle chantera en allemand et en anglais : on a voulu garder les langues originales pour des questions de métrique et de traduction impossible. Ce cabaret sera un moment festif, dans un univers entre le manga japonais et Nina Hagen. On a envie de donner du plaisir aux gens !

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Maître Puntila et son valet Matti
du mardi 9 octobre 2012 au vendredi 26 octobre 2012
La Comédie de l'Est
6, route d’Ingersheim, 68027 Colmar

Maître Puntila et son valet Matti, du 9 au 26 octobre. Cabaret Brecht, du 14 au 25 mai.
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