La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -181-bethune

THIERRY ROISIN

THIERRY ROISIN - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2010

UN PROJET THEATRAL CONTINUE ET ENTHOUSIASTE

LE DIRECTEUR DE LA COMEDIE DE BETHUNE AFFICHE UN BILAN POSITIF ET UNE VOLONTE DE RESISTER AU TRAGIQUE DE L’EPOQUE PAR UN RIRE SALVATEUR ET DES PROJETS AUDACIEUX ET AMBITIEUX.

« Notre projet continue à vivre et à se développer avec enthousiasme. » Thierry Roisin
 
Comment se porte la Comédie de Béthune ?
Thierry Roisin : La Comédie se porte bien ! Nous accueillons de plus en plus de public, ce qui est toujours un signe encourageant et positif en ces temps difficiles. Nous devons faire face à de nouvelles données budgétaires car le Conseil Général a baissé sa subvention de 10 %, ce qui nécessite un rééquilibrage pour faire en sorte que les budgets artistiques ne baissent pas. La Comédie reste un lieu vivant et en effervescence où s’équilibrent les paris artistiques et l’écoute du monde et de la réalité de notre territoire. Notre projet continue à vivre et à se développer avec enthousiasme, avec une saison marquée par le rire et le thème du héros lanceur d’alertes.
 
Quels sont les temps forts à venir ?
T. R. : En 2011, Béthune sera capitale régionale de la culture. Ce dispositif va donner un élan particulier aux deux saisons à venir. La Comédie s’associe à l’événement avec des propositions exceptionnelles. Trois projets importants vont ainsi voir le jour cette saison : un projet de théâtre musical par François Marillier, qui réunit des musiciens professionnels et quarante amateurs sur le thème de l’alimentation ; le soutien à l’accueil de Cercles / Fictions de Joël Pommerat ; le soutien à la création par Blandine Savetier de cinq pièces courtes de Beckett. La saison prochaine deux grosses créations sont programmées : un projet avec La Pieuvre et la création de sa première comédie par Joël Pommerat. Et les travaux de la salle de répétition débuteront, ce qui va résolument changer l’intensité du travail de production, puisque dans deux ans, on pourra répéter hors des périodes de vacances ! Tout cela nous oblige à nous projeter dans l’avenir, ce qui est à la fois une nécessité et un moteur.
 
Vous montez cette année Ennemi public, d’Ibsen. Pourquoi ce choix ?
T. R. : Cette pièce m’intéresse dans sa réactualisation. Le premier travail a consisté, avec Frédéric Révérend, a la retraduire et à la réadapter à un parti pris théâtral (absence de quatrième mur et adresse directe) qui nécessitait une langue plus fluide et plus percutante. On va tenter le pari d’un théâtre ardent, qui mette le spectateur à une place active : cette pièce en offre l’occasion de façon très intéressante.
 
Vous retrouvez avec elle la question de la nature de la démocratie, que vous avez déjà interrogée.
T. R. : On retrouve dans cette pièce des thèmes chers à Ibsen mais c’est sa dimension politique qui est la plus excitante. La pièce raconte la primauté des considérations économiques sur les autres priorités, notamment de santé publique. La pièce se passe dans une petite ville d’eaux. Le médecin de l’établissement thermal en plein essor découvre que les bains sont pollués. Dans un premier temps, la presse et les notables ne peuvent que féliciter le médecin de sa découverte. Mais celui-ci va voir le maire, qui est son frère, et à partir de cet instant tout est mis en place pour que cette vérité ne soit pas révélée, pour que le médecin soit écarté de la vie publique jusqu’à la déchéance complète. Ce qui est passionnant dans cette fable, c’est d’une part cette donnée économique, et d’autre part la remise en cause politiquement incorrecte de la démocratie. Le médecin détenteur de la vérité est en but à une majorité hostile : Ibsen pose la question d’une minorité esclave qui peut avoir raison contre l’avis de la majorité composée de moutons qui suivent le mouvement ! Je crois qu’aujourd’hui, cette question est au bon endroit !
 
Stockmann, le médecin, est un de ces lanceurs d’alertes que vous évoquez.
T. R. : Ibsen ne se contente pas de faire l’apologie du lanceur d’alertes. Son propos est plus subtil. C’est une pièce sur la lâcheté dont il analyse les mécanismes et les effets : comment une société saine peut s’emballer, s’aveugler elle-même et faire perdre sa lucidité au héros. Stockmann est porté par un idéal et sa radicalité tranche de façon salutaire avec la realpolitik. Mais en même temps, Ibsen livre une vraie critique de ceux qui veulent sauver le monde. Il y a là une vraie et passionnante complexité.

Propos recueillis par Catherine Robert


Ennemi public, d’après Un ennemi du peuple
de Henrik Ibsen, mise en scène de Thierry Roisin.
Du 30 novembre au 10 décembre 2010.
Reprise de Deux mots de Philippe Dorin, mise en scène de Thierry Roisin. Du 12 au 22 octobre 2010.

A propos de l'événement



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