Pierre Foviau

Publié le 10 novembre 2008

Un théâtre pour chacun et non pour tous

Pierre Foviau présente Plus loin que loin, de l’auteure britannique Zinnie Harris. Une nouvelle occasion, pour ce metteur en scène, de creuser la question de l’altérité et d’établir, à travers le plateau, une conversation avec le public.

Après l’avoir mise en scène en 2005, pourquoi reprendre aujourd’hui cette pièce ?

Pierre Foviau : Il s’agit d’un texte dont la profondeur et la force m’ont immédiatement emporté. J’ai tout de suite été fasciné par le destin de ses personnages : les habitants d’une île volcanique perdue au milieu de l’Atlantique dont la vie va être bouleversée par l’implantation d’une usine anglaise. Cette pièce aborde l’intimité humaine avec une distance poétique qui me fascine et me touche. Plus loin que loin parle de l’identité, du rapport à l’autre et à la différence, du déracinement, de l’abandon, de la place que chacun occupe dans le monde : ce sont des questions qui, du fait de mon histoire personnelle, résonnent en moi de façon particulière.

Comment avez-vous abordé la langue singulière qui se déploie dans cette pièce ?

P. F. : J’ai essayé d’amener les comédiens au plus grand naturel et à la plus grande simplicité possibles. Je leur ai demandé de dire le texte plutôt que de le jouer. Ceci afin d’éviter tout cabotinage, toute caricature de patois, ce qui revient en fait à considérer les personnages avec respect. Leur façon de parler étant l’illustration extérieure de ce qu’ils sont, la rendre réelle permet d’ancrer ces êtres dans leur réalité. Pour moi, la langue est un véritable matériau théâtral. C’est particulièrement le cas dans ce texte qui donne à entendre une langue anguleuse, poétique dans sa simplicité, travaillant le corps et l’imaginaire, invitant au voyage.

« Pour moi, la langue est un véritable matériau théâtral. »

Les Voyageurs est précisément le nom de votre compagnie…

P. F. : Oui. J’ai un parcours atypique : je viens du théâtre de rue, du théâtre d’objets. Je ne suis pas l’homme d’un seul territoire. C’est sans doute la raison pour laquelle la notion de voyage est si importante pour moi. J’envisage le théâtre comme un espace ouvert qui s’offre à l’imaginaire du spectateur, qui l’aide à trouver son propre chemin vers le voyage. Je souhaite établir, à travers le plateau, une forme de conversation avec le public. Le projet des Voyageurs est ainsi de défendre un théâtre dans lequel le fond prend le dessus sur la forme, un théâtre pour chacun et non un théâtre pour tous : j’entends par là un théâtre qui s’adresse à l’autre dans sa capacité de se mettre lui-même en jeu.

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat

Plus loin que loin, de Zinnie Harris ; mise en scène de Pierre Foviau. Du 20 au 30 novembre 2008. Idéal, Tourcoing.