Focus -279-Nanterre~Amandiers, Centre dramatique national
Philippe Quesne : cultiver le jardin des possibles
Entretien
Publié le 23 août 2019 - N° 279A la tête de Nanterre-Amandiers depuis 2014, Philippe Quesne poursuit jusqu’à la saison prochaine son aventure artistique et humaine, propice à de multiples croisements et rencontres entre disciplines.
Comment définissez-vous la ligne artistique de cette saison ?
Philippe Quesne : Nous poursuivons depuis quelques années la même ligne, en compagnie d’artistes qui sont des créateurs qui écrivent pour la scène, des auteurs de spectacle au sens large, creusant chacun à leur manière un sillon singulier, tels Joël Pommerat, Milo Rau, Boris Charmatz, Jonathan Capdevielle, Gisèle Vienne, Gwénaël Morin, Théo Mercier… Chaque saison, des croisements féconds sont mis en chantier et relient la création scénique à une grande diversité de champs artistiques : théâtre, danse, arts visuels, arts plastiques, cinéma, chant, musique, cirque… Nous avons constitué au fil du temps une famille artistique qui permet au spectateur de construire une relation nourrie à une œuvre, dans la durée. Nous proposons aussi de nombreux ateliers, et nous sommes heureux de compter plus de 30% de jeunes parmi notre public. Malgré les difficultés, il existe une quête humaine de spectacle vivant qui se porte paradoxalement bien, dans la curiosité et l’enthousiasme. L’an prochain, une importante rénovation du théâtre débutera et la saison sera donc programmée dans les ateliers-décors spécialement aménagés ainsi que hors les murs.
« Il existe une quête humaine de spectacle vivant qui se porte paradoxalement bien. »
Quelles sont les lignes de force de cette saison ?
P.Q. : Il est frappant de constater que chaque saison des axes thématiques émergent, explorés par les artistes de manière délibérée ou parfois indirecte. Cette année, la relation à la nature et les menaces qui pèsent sur la planète se révèlent centrales. Farm Fatale, la création que je propose en septembre, en est un exemple. Le théâtre est un art conçu pour aborder les grands drames de la société, et cette mise en danger de notre habitat et de nos ressources en est un. L’inquiétude pour le futur se traduit aussi à travers une thématique toujours plus actuelle : la porosité entre l’homme et la machine, entre l’humain et le non humain. La présence de robots dans la pièce de Joël Pommerat crée à cet égard une atmosphère troublante, ambiguë. Tout comme celle de masques dans la pièce de Jonathan Capdevielle qui s’empare de Sans famille d’Hector Malot.
Votre programmation est ouverte aux sciences humaines à travers l’accueil régulier de chercheurs. Qu’apporte cette ouverture à la vie du théâtre ?
P.Q. : Depuis 2014, nous entretenons notamment un compagnonnage avec Bruno Latour, philosophe et anthropologue. Les rendez-vous que nous organisons avec des chercheurs en sciences humaines nourrissent les esprits et nous alertent. Les scientifiques et les artistes trouvent à travers ces rencontres un terrain d’entente : les premiers inspirent les derniers. Et les artistes peuvent faire passer un message, trouver des modes d’expression alternatifs qui touchent le spectateur. De même, Marielle Macé, auteure associée au théâtre, s’empare avec talent de cette question des manières de vivre et d’habiter le monde. Les artistes ne sauvent pas le monde, mais ils expriment parfois des lueurs de lucidité, de poésie. Ils sont un relais qui anticipe et qui alerte.
Propos recueillis par Agnès Santi
A propos de l'événement
Nanterre-Amandiers - Centre dramatique national7 avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre.
Tél : 01 46 14 70 00.