Peer Gynt
Avec Peer Gynt, pièce aussi fantaisiste [...]
Focus -258-Les Gémeaux, Scène Nationale.
Le metteur en scène Declan Donnellan revient cette saison aux Gémeaux avec une nouvelle création co-produite par la Scène Nationale : Périclès, Prince de Tyr. La pièce, l’une des plus « merveilleuses » de Shakespeare, trouve son motif dans la puissance de renouvellement de l’amour.
En choisissant Périclès, Prince de Tyr, quelle est votre intention ? Diriez-vous que la pièce est une démonstration éclatante du pouvoir de la jeunesse et de l’amour ?
Declan Donnellan : Périclès est un roman tardif. Il semble d’abord très loin de nous : un conte de tournois et de chevaliers… Le canevas de l’histoire nous demande de faire face à de multiples péripéties, telles la fuite devant la colère d’un tyran incestueux, un naufrage sur une côte inconnue, une grande tempête en mer et la mort d’une reine en couches, sa résurrection lorsque son cercueil échoue sur le rivage, une princesse vendue à un lupanar… Mais c’est en réalité la fable d’un homme qui devient étranger à ceux qu’il aime, et qui lentement et miraculeusement se trouve réuni de nouveau avec eux, davantage par chance que du fait de ses propres efforts. La pièce à mon sens traite du mystère de l’amour, de sa perte et de l’amour redécouvert après une absence douloureuse et pleine de confusion.
« La pièce à mon sens traite du mystère de l’amour. »
Quel est votre point de vue sur ces intrigues et rebondissements fantaisistes ?
D.- D : Je pense que les virages bizarres et les revirements de la pièce correspondent à la perfection à notre formidable ingéniosité humaine naturelle, celle que nous mettons en œuvre pour inventer des façons d’éviter l’intimité… Nous devenons des génies quand il s’agit de trouver des stratagèmes pour nous dissimuler à nous-mêmes. Nous sommes étonnamment habiles à imaginer des moyens de nous déconnecter de la réalité, et des raisons de vivre séparés, seuls… Nous créons notre propre solitude et puis nous nous en plaignons. Nous avons maintenant de nouvelles technologies pour nous aider à mieux nous éviter encore ! Les réseaux sociaux peuvent nous présenter d’excellentes occasions de déconnection déguisées en excellentes opportunités de rassemblement. Le désir de se déconnecter est tristement éternel. Et nous voyons le problème chez les autres beaucoup plus clairement qu’en nous-mêmes !
Quel est donc le miroir que la pièce nous tend selon vous ?
D.-D : Quand la vie nous ennuie, ce n’est jamais parce que la vie est ennuyeuse. C’est normalement pour l’une des deux raisons suivantes : la première est que nous sommes au minimum légèrement déprimés, ce qui est plus ou moins généralement vrai, la seconde est qu’on nous ment. Le faux est ennuyeux. Voilà comment on discerne le faux : le faux est mort, même s’il peut éventuellement sembler vivant. Parfois, il nous apparaît comme étrange ou effrayant avant de nous ennuyer. Comme un mannequin dans une vitrine. L’ennui est un signe d’alerte sain. Périclès traite de notre capacité à être déprimé et de toute la fièvre qui nous assoiffe quand nous voulons sortir de notre dépression, quand réellement le seul remède est de renouer avec nous-mêmes pour en sortir.
Propos recueillis par Marie-Emmanuelle Galfré
Tél : 01 46 61 36 67.
Site : www.lesgemeaux.com
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