Odile Auboin : l’esprit de recherche

Quand avez-vous choisi de vous consacrer à la création ?

Odile Auboin : Après ma formation au Conservatoire, je suis partie à l’Université de Yale, où j’ai découvert un environnement moins segmenté ; j’étais presque plus en relation avec les compositeurs qu’avec les autres instrumentistes. De retour à Paris, l’Ensemble Intercontemporain m’est apparu comme le lieu idéal pour conserver cet esprit ouvert et créatif. Je m’y suis tout de suite beaucoup nourrie de mes rencontres avec Pierre Boulez ainsi qu’avec les autres compositeurs et les artistes de l’ensemble.

Avec l’EIC, avez-vous l’impression d’être en position de vigie par rapport à l’évolution de la création contemporaine ?

O.A. : Je dirais qu’il y a une vigilance particulière à maintenir un niveau d’excellence pour la création. C’était le souhait de Pierre Boulez quand il a créé l’ensemble : aborder chaque nouvelle écriture comme une œuvre du répertoire, avec notre expertise d’interprète. C’est pour cela que l’arrivée d’un nouveau directeur musical, comme aujourd’hui avec Pierre Bleuse, est pour nous un grand moment d’enthousiasme. Ce sont mille possibilités qui se dessinent. Cela rejoint ma volonté de continuer à aller vers d’autres répertoires, comme je le fais avec le Trio Uzundara – de Brahms à Bartók en passant par l’Arménien Komitas – ou en travaillant Bach auprès du compositeur György Kurtág.

Qu’est-ce qui de cette expérience peut être transmis aux jeunes musiciens ?

O.A. : Dépasser le geste instrumental pour entrer dans un geste musical plus large, c’est ce que l’on fait à l’European Creative Academy à Annecy, par le croisement de connaissances, savoirs, expériences : ce qui dans une œuvre se traduit par le choix d’un coup d’archet pour l’instrumentiste s’éclaire à la lumière du discours musicologique et de l’image sonore un peu différente que peut apporter un chef d’orchestre. Cela développe l’esprit de recherche, d’expérimentation.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun